Article paru dans les pages économiques, mardi 23 janvier 2022

La campagne 2022 devient la 2e année la plus importante de l’histoire de la Champagne en termes de volume, et la première par son chiffre d’affaires estimé à plus de 6 milliards.

L’ESSENTIEL

L’ANNÉE 2022 pour la filière Champagne se solde à 326 millions de bouteilles, soit une progression de 1,88 % par rapport à 2021.
 
LE CHIFFRE D’AFFAIRES de la filière est le plus élevé de toute l’histoire de la Champagne, supérieur à 6 milliards d’euros.
 
LE MARCHÉ EXPORT  est désormais dominant, avec une croissance de 4,3 %. En revanche, le marché français est en recul de 1,7 %.

« Année en 2, année bénie des dieux ». C’est la Maxime qui semble avoir été retenue par les producteurs champenois pour qualifier cette faste saison 2022 marquée, par une exceptionnelle vendange et une année commerciale qui se solde, une fois encore, par un chiffre d’affaires record à plus de 6 milliards d’euros.

Le chiffre de 326 millions de bouteilles a été retenue par l’interprofession pour quantifier les volumes expédiés en 2022 en France et aux 4 coins du monde, soit une légère croissance de 1,88%.

« Des producteurs ont contingenté très tôt pour éviter de se retrouver en rupture en fin d’année ». Maxime Toubard, président du SGV.

On ne peut être qu’extrêmement satisfait d’un tel bilan, se réjouit d’avis de Châtillon, qui ne pouvait rêver mieux pour sa première année à la présidence de l’Union des maisons de champagne (UMC). « Nous récoltons les fruits des efforts réalisés depuis plus de 20 ans pour améliorer la qualité de nos vins et les positionner sur le marché haut de gamme. Aujourd’hui, on peut se dire que les fondamentaux sont bons ».

Si la filière peut se satisfaire, celle-ci a cependant dû faire face à une telle demande tout au long de l’année, qu’elle n’a pu répondre à l’ensemble des besoins du marché. Ainsi, le ralentissement observé dès le mois de septembre, et qui fut plus marqué en novembre et en décembre, est davantage dû aux allocations qui se sont généralisées en Champagne, plutôt qu’un frein de la consommation. « Il est très difficile d’estimer les quantités supplémentaires que nous aurions pu expédier », concède Maxime Toubart, président du syndicat général des vignerons de champagne (SGV). « Des producteurs en contingenté très tôt, pour éviter de se retrouver en rupture en fin d’année. Les commandes qui n’ont pu être expédiées en 2022 vont toutefois se reporter en 2023, et nous pouvons déjà être optimistes pour ce premier semestre », poursuit Maxime Toubart.

En comparant les expéditions 2021 avec celles de 2022, on observe surtout que ce sont les maisons de champagne qui ont enregistré le plus gros coup d’arrêt en décembre, contrairement aux coopératives et vignerons qui avaient, semble-t-il, davantage de bouteilles en stock pour contenter la demande. Autre fait marquant de cette année 2022, la dominance toujours plus marquée du marché export, qui représente désormais 57,53%. Pourtant, il y a quelques années encore, la part des bouteilles vendues en France était majoritaire.

« Cette accélération de l’export montre qu’il y a de plus en plus d’amateurs de champagne dans le monde, et c’est une bonne nouvelle« , estime Maxime Toubart. « Auparavant, nous étions extrêmement dépendants du marché français. Aujourd’hui, nous avons de multiples marchés sur lesquels miser ».

Ainsi, la filière a notamment été boostée par la demande du marché américain, avec des expéditions qui ont profité des taux de changes favorables au dollar par rapport à l’euro. La réouverture du Japon après la crise sanitaire, 3e marché derrière les États-Unis et le Royaume-Uni, a permis une hausse des expéditions dans le pays.

Surtout, la conquête de marchés émergents comme la Corée du Sud ou l’Amérique du Sud permet à la Champagne de toucher de nouveaux consommateurs.

QUEL BILAN TRREZ-VOUS DE L'ANEE 2022 ?

Les Champenois ont-ils favorisé l’export plutôt que la France ?

« Les cavistes sont remontés contre les grandes maisons de Champagne » titrait la semaine passée le média Vitisphère, relayant la parole du président du syndicat des cavistes professionnels, Patrick Jourdain.

Ce dernier dénonce la priorité donnée au marché export par les maisons de Champagne, au détriment du marché national, citant plusieurs marques n’ayant pas joué le jeu, comme Ruinart, Bollinger, Deutz, Pol Roger, Billecart-Salmon, Taittinger…

Dans un marché désormais dominé par la part croissante de l’export, où les bouteilles sont mieux valorisées qu’en France, la question se pose. Le marché français a-t-il été délaissé ?

« Nous avons vendu davantage de bouteilles sur le marché français qu’en 2021 », réagit Charles Armand de Belenet, directeur du champagne Bollinger. « Nous avons demandé autant d’effort à nos partenaires étrangers qu’à nos partenaires français. »

Pour Billecart-Salmon, « La France reste,  le marché numéro 1 », rappelle Mathieu Roland-Billecart, président. «Nous pourrions tout vendre à l’export, mais nous avons fait le choix de maintenir une relation privilégiée avec la France, pas par intérêt économique, mais par conviction. »

Du côté de la marque la plus vendue en France, Nicolas Feuillatte, son directeur Christophe Juarez note un changement dans les habitudes de consommation : « Le marché français est avant tout impacté par la baisse des ventes en grande distribution, qui est de l’ordre de 10 à 15 % des volumes pour Nicolas Feuillatte. En revanche, nous enregistrons une forte croissance, à deux chiffres, dans le secteur traditionnel des cafés, hôtels et restaurants, et chez les cavistes. »

LES AUTRES POINTS

DE NOUVELLES HAUSSES DE PRIX PASSÉES EN DÉBUT D’ANNÉE
 
En 2022, les chiffres du Comité Champagne donnent finalement une augmentation du prix de la bouteille de champagne de l’ordre de 7 %, supérieure à l’inflation. En revanche, en ce début d’année, de nouvelles hausses de prix ont été constatées dans les maisons de Champagne, qui oscillent de 10 à 15 %. Une importante majoration du prix de la bouteille, justifiée selon les producteurs champenois par l’augmentation des coûts de production, à l’image de la bouteille en verre, qui a pris a minima 30 % en 2022.
 
LA FILIÈRE NATIONALE INQUIÈTE DE SON AVENIR
 
Si la Champagne tire actuellement son épingle du jeu, ce n’est pas le cas pour la filière vins à l’échelle nationale. Le comité national des interprofessions des vins (Cniv), conjointement avec Vin & société, ont récemment alerté sur les conséquences de la déconsommation de vin en France pour la viticulture. En effet, en soixante ans, la consommation dans les ménages a chuté de l’ordre de 70 %. « Une tendance qui menace la transmission d’une culture bimillénaire et porte en germe le risque d’une véritable bombe sociale, » juge le comité.
 
TOUJOURS DES TENSIONS SUR LES MATIÈRES SÈCHES
 
Si le marché s’est légèrement assoupli en ce début d’année par rapport à 2022, des tensions existent toujours sur les approvisionnements en matières sèches, notamment sur les coiffes. Le maître mot pour l’année demeure l’anticipation, avec des délais de livraison qui demeurent supérieurs à la normale. Pour les bouteilles en verre, les besoins seront d’autant plus importants en 2023 que la dernière récolte fut importante quantitativement. Cependant, les verriers indiquent qu’ils pourront répondre à la grande majorité des besoins des producteurs champenois.