Tenter de convaincre sept Français sur dix et 9 actifs sur 10 hostiles à un report de l’âge légal est un exercice délicat. Pour justifier l’impérieuse nécessité, à ses yeux, du passage de 62 à 64 ans pour soit disant sauver notre système de retraite par répartition, Emmanuel Macron et les membres de son gouvernement ont dégainé toute une série d’arguments répétés en boucle :

  • La réforme est nécessaire pour sauver notre régime par répartition.
  • Il nous faut travailler plus parce qu’on vit plus longtemps.
  • Il n’y a plus assez de cotisants pour financer les retraites.
  • Tous nos voisins européens partent plus tard en retraite.

Nous avions déjà évoqué ce sujet dans un tract de l’Intersyndicat CGT du champagne et nous maintenons notre position : ne nous a-t-on pas plutôt caché les vraies raisons motivant, plus que tout, Emmanuel Macron à mener contre vents et marées, cette réforme injustifiée ?

Ne faudrait-il pas plutôt fouiner du côté de la pression exercée par la Commission Européenne sur Emmanuel Macron dans le cadre du Semestre Européen dont le fonctionnement s’articule autour de trois axes de coordination des politiques économiques et budgétaires des États membres :

  • Les réformes structurelles portant sur la croissance et l’emploi.
  • Les politiques budgétaires, dans le but d’assurer la viabilité des finances publiques
  • La prévention des déséquilibres macroéconomiques excessifs par des ajustements de compétitivité.

Mais aussi et toujours dans le cadre du Semestre Européen, ne faudrait-il pas plutôt fouiner également du côté des recommandations de la même Commission portant sur les programmes nationaux de réforme soumis par les États membres en début de chaque année (état des finances publiques, réforme des systèmes de retraite, enjeux de l’éducation et de l’innovation, mesures de création d’emplois et de lutte contre le chômage, etc.).

Mais est-ce pour ces seules raisons, bien évidemment non, à en croire l’article sur la dette financière de la France, publié le 30 mai 2023, dans le journal l’Union.

Selon cet article, la France serait dans l’attente fébrile du verdict de l’agence de notation financière « Standard and Poor’s », dont voici le contenu :

Un mois après la sanction de l’agence de notation Fitch, la pression monte sur le gouvernement qui veut convaincre du sérieux de sa trajectoire budgétaire. 

La Première ministre Élisabeth Borne a indiqué dimanche qu’ « il y a eu des explications détaillées » du ministre de l’Économie « Bruno Le Maire auprès de Standard and Poor’s (S&P) sur tout ce qu’on fait pour maîtriser nos finances publiques ». Ces « discussions très étroites », selon les mots de Mme Borne, interviennent au moment où l’exécutif peine à tourner la page de la réforme des retraites, qui a illustré les difficultés à faire passer des lois au Parlement, tout en faisant l’objet de vives contestations sociales.

Fitch, en abaissant le 28 avril la note de la France d’un cran, à « AA- », avait justifié sa décision notamment par une « impasse politique » de nature à compliquer la tâche du gouvernement dans sa volonté de réformes, voire à encourager les dépenses. Selon cette agence de notation, la situation de blocage actuelle pourrait « créer des pressions en faveur d’une politique budgétaire plus expansionniste ou d’un renversement des réformes précédentes » .

Après avoir atteint 4,7 % du produit intérieur brut (PIB) en 2022, le déficit public français devrait légèrement remonter cette année à 4,9 %, avant de refluer progressivement à partir de 2024, anticipe le gouvernement dans son programme de stabilité présenté en avril, qui table sur un retour dans les clous budgétaires européens en 2027.

Vendredi, c’est l’agence de notation Scope, moins regardée que Fitch, Moody’s et S&P, qui a abaissé la perspective de la note du pays à « négative », ce qui signifie une possible future baisse de la note.

Mauvais bilan en matière d’assainissement budgétaire, charge d’intérêt de la dette croissante…

Scope

Actuellement à « AA » soit le troisième plus haut niveau de sa grille, Scope pourrait abaisser cette note « dans les 12 à 18 mois » . Parmi les risques pesant sur les finances françaises, l’agence a relevé que « la dynamique économique s’est nettement ralentie au second semestre 2022 » . Elle s’est montrée aussi peu convaincue de la trajectoire de réduction du déficit et de la dette publics, en raison d’un « mauvais bilan en matière d’assainissement budgétaire, d’une charge d’intérêt de la dette croissante et de risques liés à la mise en œuvre du programme de réformes » .

Ces risques sont liés à « l’absence de majorité au Parlement » et à des « contestations sociopolitiques » , notamment contre la réforme des retraites, a-t-elle expliqué.

APPRÉCIATION PESSIMISTE

Même si cela n’a pas eu d’impact sur la capacité de financement du pays, l’avertissement des deux agences de notation n’est pas une bonne nouvelle pour le gouvernement qui met régulièrement en avant sa crédibilité économique et son sérieux budgétaire face aux oppositions. D’où les efforts engagés pour éviter, vendredi prochain, une dégradation de la note de S&P, dont la perspective est d’ores et déjà « négative ». Mardi, l’entourage de Mme Borne et M. Le Maire ont annoncé un gel supplémentaire de 1 % des crédits du budget 2023 pour tenir la trajectoire en matière de finances publiques. Après la décision de Fitch, le ministre avait en outre assuré que la France allait continuer les réformes, fustigeant une « appréciation pessimiste » de l’agence de notation.

On comprend mieux dès lors pourquoi le gouvernement manœuvre pour faire capoter le projet de proposition d’abroger le recul de l’âge de départ à la retraite  à 64 ans.

Par ailleurs, selon la newsletter politique de Libération « Chez Pol » envoyé ce matin, 30 mai 2023, à tous leurs abonnés, le gouvernement Macroniste à demander à la présidente de l’Assemblée nationale, Mme Yaël Braun-Pivet, de “rentrer dans le rang”

Voici le contenu de cette newsletter politique intitulée :

AU COMPTOIR :

RENTRER DANS LE RANG • La macronie était en sueur. Elle va pouvoir respirer. La pression venait de toutes parts sur Yaël Braun-Pivet : Emmanuel Macron et Gérald Darmanin mais aussi Stéphane Séjourné, patron de Renaissance, dans le Figaro ce matin. Mais jusqu’ici, la présidente de l’Assemblée défendait son institution.

Elle semble toutefois siffler la fin de la partie ce matin. Sur France 2, Braun-Pivet rappelle que la proposition de loi Liot d’abrogation de la réforme des retraites est «clairement anticonstitutionnelle» et qu’utiliser l’article 40 pour la déclarer irrecevable, et ne pas la débattre, «est l’application de la loi et de la règle». «Il ne doit pas y avoir de débat sur cet article» premier de la PPL (Proposition de Projet de Loi) Liot, qui réinstaure la retraite à 62 ans, affirme-t-elle.

Le 4e personnage de l’État assure par ailleurs qu’elle prendra «bien sûr» ses responsabilités si Éric Coquerel, président LFI de la commission des Finances, ne rejette pas le texte au titre de cet article. Pourtant, selon le Canard enchaîné la semaine dernière, YBP justifiait de ne pas s’opposer ainsi à la PPL Liot, lors du petit-déj de la majorité : «J’ai toujours été loyale mais je ne peux pas accepter que le bureau de l’Assemblée ait un droit de saisine sur la recevabilité des propositions de loi. Si demain il y a une majorité RN à l’Assemblée et aussi à son bureau, elle empêchera tout dépôt de proposition de loi. C’est pourquoi je m’oppose à changer la donne.»

La pression venue d’en haut lui a visiblement fait changer d’avis et c’est à elle maintenant, alors que l’intersyndicale se réunit aujourd’hui (30 mai 2023) pour remobiliser ses troupes, de faire le sale boulot pour torpiller ce texte et empêcher le débat.

Hhhmm, cette eau citronnée se marie à la perfection avec ce plat de couleuvres. Photo Amaury Cornu. Hans Lucas via AFP (2023)

Alors aucune hésitation ! face aux arguments fallacieux des tenants du néo-libéralismes pro-européens tentant de justifier le sauvetage de notre système de retraites par répartition en repoussant l’âge de départ de 62 ans à 64 ans et imposer le retour de la retraite à 60ans, une seule solution : toutes et tous dans la rue le 06 juin prochain !