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En amont de la quatorzième journée de mobilisation intersyndicale contre la réforme des retraites, environ 200 personnes ont envahi le siège du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques à Saint-Denis à l’initiative de la CGT RATP. Avec un mot d’ordre : « Pas de retraite, pas de JO ! »
10H30, rue Charlot, dans le 3ème arrondissement de Paris. Conducteurs de bus, de métro, agents de maintenance, cheminots et salariés du commerce sont réunis en assemblée générale, dans la cour de la Bourse du Travail. « On est là pour se battre contre la réforme des retraites, et pour dire qu’on ne s’avouent pas vaincus » déroule Olivier Vandenabeele, conducteur de métro sur la 6, syndiqué à la CGT RATP. Il faut être lucide : « on est en train de perdre des travailleurs dans la lutte mais cette journée peut être un tremplin dans les mobilisations contre les autres lois anti-sociales à venir. »
La CGT RATP, à l’initiative de l’événement, a convié d’autres syndicats de la régie de transport de même que d’autres professions à participer à l’action. Car après l’AG, une opération gardée secrète jusqu’alors est prévue au Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (COJO), dont le siège se situe à Saint-Denis (93). Mais à ce stade, la plupart des manifestants l’ignorent. « On pense que l’argent dépensé dans l’organisation des JO serait bien plus utile pour augmenter les salaires des travailleurs de deuxième ligne » confie Olivier Vandenabeele.
Sans pour autant s’avouer vaincus, plusieurs grévistes présents regrettent l’absence de perturbation dans les transports : la RATP a annoncé pour ce 6 juin un trafic « normal » en Ile-de-France et sur l’ensemble de son réseau. La SNCF, elle, annonce un trafic « très légèrement perturbé », avec « 9 trains sur 10 en circulation en moyenne nationale. »
Après le tour de parole, le cortège se met en route. Direction la bouche de métro, sans les chasubles et les drapeaux. Arrivés à la station Front Populaire, les manifestants se dirigent vers l’entrée du siège clinquant du COJO, dans la ville de Saint-Denis. La « cathédrale des Jeux », selon les mots du maire de la ville, le socialiste Mathieu Hanotin. En quelques secondes, ils envahissent l’immeuble et occupent l’immense hall intérieur.
Sous d’énormes suspensions lumineuses tombant de la verrière, devant les yeux des salariés abasourdis derrière les baies vitrées de leurs bureaux, ils lancent des pétards, déroulent leurs banderoles, allument des fumigènes, crient des slogans… L’ambiance de stade jure avec le style des lieux.
Pas de retrait ! Pas de JO ! Scandaient les manifestants en envahissant les locaux
Bérenger Cernon, cheminot et responsable CGT à Paris Nord l’assure : « À la SNCF comme à la RATP, la direction aura besoin de personnel supplémentaire pendant les JO car ils se dérouleront durant les congés d’été. Tant qu’il y aura des passages en force sur la retraite, on ne sera pas volontaires. » Yassine Jioua, machiniste au centre-bus RATP de Malakoff et syndicaliste CGT abonde : « les JO, se sera sans nous tant que gouvernement ne revient sur son projet de réforme des retraites. Hors de question que les travailleurs de ce pays sacrifient leur congés annuels en famille pour pouvoir donner une bonne image des JO. Les caméras du monde entier seront rivées sur Paris en 2024, on ne va pas s’en priver. On ne va pas faire comme si tout allait bien. »
Étudiants et précaires délogés
Les conséquences des JO sur le quotidien des franciliens ne cessent d’alimenter la critique. Alors que plusieurs résidences Crous d’Île-de-France seront vidées lors de l’été 2024 pour accueillir les personnels et bénévoles travaillant pour les Jeux, de nombreuses familles logées en hôtels sociaux de Seine-Saint-Denis ont déjà été délogées à l’approche de l’événement sportif. « Pour nous, ce n’est pas possible de cautionner ce maquillage, et de cacher toute cette misère » dénonce Yassine Jioua. Pour le syndicaliste, il est par ailleurs indispensable de lier la question des retraites à celle des salaires, comme l’ont fait les « guerrières de Vertbaudet » : « Cela montre que si l’on veut obtenir des augmentations de salaires, ce n’est pas avec des grève isolées, espacée de quatre semaines mais avec des grèves reconductibles. Aucun de nos conquis sociaux n’a été obtenu avec une grève perlée. »
Deux jours plus tôt, deux décrets d’application de la réforme des retraites ont été publiés au Journal Officiel. Les premières mesures repoussant l’âge légal de la retraite entreront en vigueur dès le 1er septembre. La date du 6 juin, elle, avait initialement été choisie pour coïncider avec l’examen à l’Assemblée Nationale de la proposition de loi du groupe Liot, visant à abroger le report de l’âge légal.
En commission des affaires sociales, les députés macronistes et leurs soutiens sont parvenus à vider le texte de sa substance. Depuis le cortège parisien, Sophie Binet a demandé au gouvernement de « laisser les députés voter jeudi » et de « prendre en compte ce vote. » La secrétaire générale de la CGT exige également l’ouverture de négociations tripartites pour « répondre aux demandes des salariés en matière de salaires, d’améliorations des conditions de travail et de la santé au travail, d’égalité femme-homme et d’environnement. »