C’est sous une pluie battante, ce mardi matin, qu’environ 150 délégués syndicaux CGT se sont rassemblés devant les locaux du Syndicat général des vignerons avenue de Champagne à Épernay pour exiger des actes forts de la part des dirigeants de l’interprofession du champagne, concernant les cinq décès et les affaires de traite d’humains qui se sont déroulés lors des dernières vendanges. Tous espèrent qu’elles servent de leçons et fassent évoluer la législation pour que plus jamais une telle situation se renouvelle.
Une manifestation orchestrée de main de maître par les élus du champagne qui en un temps record ont installé le ballon, deux rotondes, la sono, les calicots estampillés de slogans clamant : « Non au servage » ou sur une bouteille de champagne de 3m de haut et 1,5m de large on pouvait lire : « vendange 2023 la cuvée de la misère, assemblage : 20 % de raisins, 80 % de misère ».
Ils ont également organisé le barbecue du midi pour permettre aux syndicalistes, dont certains ont fait le déplacement de Boulogne sur mer, du beaujolais et de la région parisienne, de se restaurer. La volonté chevillée au corps, ils veulent tout mettre en œuvre pour que ne soient pas oubliées les affaires scandaleuses qui ont secoué ces dernière vendanges : les hébergements indignes, la traites d’êtres humains, mais aussi les décès de cinq vendangeurs venus couper les raisins les plus du monde .
Les élus regrettent de ne pas avoir été reçus par les instances (SGV, Union des maisons de champagne ou Comité Champagne) pour évoquer les problèmes en lien avec les conditions de travail.
A la satisfaction du syndicat, ce rassemblement a attiré de nombreux médias. Par cette action, les organisateurs espèrent enfin voir les choses bouger. Un délégué syndical venu en soutien de la Côte-d’or témoigne « ce qui se passe dans la Marne, ça a lieu ailleurs. Nous avons eu aussi des problèmes avec des campements immondes ».
Mais au grand dam des manifestants, les portes du SGV sont restées clauses. Et, sabine Duménil secrétaire départementale de la CGT, chargée de la coordination des dossiers de la cinquantaine de travailleurs africains exploités dans des conditions indignes à Nesle-le-Repons s’élève contre l’absence de dialogue du président du SGV. « on n’a toujours pas été reçu par le SGV, seulement par la préfecture ». Elle ajoute : « on continue d’aider les saisonniers pour leurs dossiers de régularisation de leurs papiers ou pour les prud’hommes car ils n’ont pas été payés ».
C’est un des objets de la manifestation de ce mardi 3 octobre : « nous exigeons un don de 400 euros par tête au SGV qui devra se faire rembourser ensuite par les donneurs d’ordre. Mais même ça, ils ne l’ont pas fait. C’est du mépris ».
Ce qu’espère la CGT, souligne Philippe Cothenet de l’intersyndicat CGT Champagne : « une table ronde avec les instances pour discuter des conditions de travail des vendangeurs. On veut parler des prestataires, de la responsabilisation des donneurs d’ordres, de l’hébergement, des décès, du développement du travail à la tâche et ses cadences infernales… Il n’est pas normal que l’on puisse avoir une traçabilité pour chaque étape de la fabrication du champagne, mais pas sur les conditions de travail pour les salariés ».
Il s’étonne que « tout le monde puisse devenir prestataire, sans aucun diplôme. On en arrive à des sociétés qui apparaissent avant les vendanges et disparaissent juste après. On a une explosion de sous-traitants peu scrupuleux, il faut créer un véritable agrément certifiant les compétences des dirigeants en la matière ».
Mais, tous déplorent le manque d’engagement des représentants de l’interprofession, à commencer par Maxime Toubart, président du SGV.
Sabine Duménil soupire. « je l’ai juste eu au téléphone mais c’est tout, la situation nécessitait pourtant la convocation du conseil d’administration en urgence, par exemple ».
Pour conclure, Philippe Cothenet déclare « On va demander un rendez-vous au ministère du travail et de l’agriculture », mais il faut agir au niveau régional. « Aujourd’hui, les prestataires sont les lampistes sur lesquels les donneurs d’ordres se déchargent puisqu’ils ne sont jamais inquiétés par la justice. Il faut avancer sur cette question. Mais, pour autant, il faut que les dirigeants de nos instances du champagne aient la volonté de le faire ».
Dans leur prise de parole, les secrétaires généraux de la FNAF CGT, de la CGT champagne et de l’UD CGT de la marne ont exprimé leur dégoût pour l’exploitation de la misère humaine par le patronat.