Pendant la vendange, une tournée de collecte des déchets spéciale est mise en place. (© DR)

Simon Ksiazenicki, le 19 octobre 2023

Quand 120 000 saisonniers convergent vers la Champagne pour participer à la récolte des raisins, cela engendre inévitablement une augmentation de la production d’ordures ménagères. Afin d’éviter les dépôts sauvages, Épernay agglo Champagne met en place un système de collecte dédié à la vendange, avec la mise à disposition de bacs de couleurs différentes pour les ordures ménagères, le tri et les biodéchets.

« À la demande des communes, des viticulteurs et des agents de collecte, une tournée spéciale vendange est mise en place, explique l’agglomération d’Épernay. Une vingtaine de campements de vendangeurs ont été identifiés au début de la vendange et des bacs ont été mis à disposition pour collecter un maximum de déchets et éviter les dépôts sauvages. » C’était le cas par exemple à Grauves, où cette année encore, 140 vendangeurs originaires d’Europe de l’Est ont installé un campement de fortune à la sortie du village et ont pu bénéficier des bacs de collecte de l’agglo.

Ce ramassage des ordures mis en place par la collectivité se veut une réponse pragmatique face à un phénomène récurrent et pointé du doigt par la CGT. « Il y a un double discours, car Franck Leroy (le président d’Épernay agglo Champagne) s’insurge dans la presse de l’existence des campements sauvages, mais il est lui-même au courant de la situation puisque son agglomération leur fournit des bacs de collecte, dénonce José Blanco, Secrétaire général de l’intersyndicat CGT Champagne. Le camp de Grauves, par exemple, est là depuis des années. On alerte tous les pouvoirs publics successifs, mais rien n’est fait. »

Interrogée sur la question des campements sauvages, la collectivité se contente de répondre : « L’hébergement des vendangeurs n’est pas de la compétence de l’agglomération qui s’est occupée de la collecte des déchets. » Héberger sous tente des saisonniers est interdit en Champagne et en cas de recours à un prestataire, le donneur d’ordre à une responsabilité au regard des conditions d’hébergement des salariés.

Note de l’intersyndicat :

Une fois encore, les autorités ne peuvent pas dire qu’elles ne savaient pas !… 

Simon Ksiazenicki, le 20 octobre 2023

Face aux décès de cinq vendangeurs et au démantèlement de quatre hébergements insalubres lors de la dernière récolte, l’interprofession a identifié quatre grands chantiers liés à l’emploi des saisonniers.

” LA CGT RÉCLAME UN CAHIER DES CHARGES ” 

Les coprésidents du Comité Champagne, David Chatillon et Maxime Toubart. (© l’Hebdo du Vendredi)

La filière Champagne entend apporter des solutions pour « répondre concrètement aux enjeux de l’emploi des vendangeurs ». Une communication qui fait suite au démantèlement de quatre hébergements insalubres, visés par des fermetures administratives et des enquêtes, lors de la dernière vendange. Alors que le problème n’est pas nouveau, il a cette année reçu une couverture médiatique plus importante, quand dans le même temps, la chaleur extrême semble avoir été à l’origine de cinq décès dans les vignes. Cela fait beaucoup pour une appellation aussi prestigieuse que la Champagne qui mise beaucoup sur son image, d’où cette communication exceptionnelle.

Lundi dernier, le bureau exécutif du Comité Champagne s’est réuni à Épernay, en présence de la préfète du Grand Est, Josiane Chevalier, et a accouché « de premières propositions concrètes » pour répondre aux enjeux des vendanges. L’interprofession a par ailleurs « réaffirmé sa détermination à tout mettre en œuvre pour que les événements dramatiques survenus cette année ne se reproduisent plus ». Quatre chantiers prioritaires ont été identifiés et la filière a mandaté un groupe restreint de professionnels pour préparer des mesures concrètes sur ces sujets.

ASSISES DE L’HÉBERGEMENT ET CHARTE DES PRESTATAIRES

L’interprofession rappelle que la vendange mobilise 120 000 saisonniers et 17 000 employeurs et que « compte tenu de l’importance de la main-d’œuvre, les capacités d’hébergement en direct restent insuffisantes ». Ainsi, la filière appelle, avec le soutien de l’État, à lancer les Assises de l’hébergement des vendangeurs, afin de « mobiliser le plus largement possible tous les partenaires et étudier toutes les solutions qui permettraient d’accroître les capacités d’hébergement et d’assurer à tous les vendangeurs un accueil dans les meilleures conditions ». À court terme, un guide d’accompagnement de l’hébergement des vendangeurs sera mis à disposition des employeurs.

Autre chantier, la prestation de services, présentée comme un « incontournable » de la vendange, « face à la complexité du recrutement direct, la faible disponibilité de la main-d’œuvre locale et la réactivité nécessaire pour la récolte ». Problème, certaines sociétés peu scrupuleuses, bien souvent montées à la hâte et dissoutes sitôt la vendange terminée, se retrouvent à l’origine de ces scandales. La filière souhaite donc créer une Charte de prestataires de services, qui prendrait la forme d’un « annuaire des prestataires engagés ».

Toujours sur le volet de la main-d’œuvre, le Comité Champagne rappelle que les recrutements locaux sont « de plus en plus rares et les tensions sur le recrutement sont fortes. » Il entend développer des outils pour faciliter le recrutement et assurer la transparence sociale et réclame également que la viticulture champenoise soit reconnue comme métier en tension.

Enfin, concernant les conditions de santé et de sécurité, érigées en « priorité absolue », la filière veut « renforcer la diffusion des mesures de prévention et de sécurité auprès des professionnels et réfléchir à l’organisation du travail en partant de l’évaluation des risques ».

LA CGT RÉCLAME UN CAHIER DES CHARGES

Cette première feuille de route devrait déboucher sur des « mesures concrètes dès la prochaine vendange », promet le Comité Champagne. Une commission mixte, qui réunira notamment le Syndicat général des vignerons (SGV) et les organisations syndicales, se tiendra le jeudi 26 octobre. L’intersyndicat CGT Champagne devrait y soulever quelques griefs. « On aurait aimé une réunion tripartite qui intègre les employeurs et donc l’UMC (Union des maisons de Champagne) », débute Philippe Cothenet, le secrétaire général adjoint de l’organisation. Celle-ci regrette que la feuille de route ait été tracée sans les représentants des travailleurs et entend bien faire connaître ses propositions.

« Sur ces quatre grands chantiers, le cadre est déjà mis et on craint qu’il n’y ait que des virgules et des points à ajouter. On enfonce des portes ouvertes, car le SGV édite déjà un guide des bonnes pratiques. Ce ne sont que des recommandations qui n’obligent personne. Si demain le Code de la route n’était qu’une recommandation sans sanction, il y aurait des débordements, image Philippe Cothenet. Il faut mettre en place un cahier des charges qui oblige aussi bien les donneurs d’ordre que les employeurs. » Quant aux conditions de travail, l’intersyndicat appelle également à tenir compte du réchauffement climatique, en adaptant les horaires et en stoppant le travail en cas de fortes chaleurs. La CGT a écrit aux ministres du Travail et de l’Agriculture afin de réclamer des décrets rapides pour répondre aux promesses de l’interprofession : des mesures concrètes dès la prochaine vendange.