Que ce soient les salariés de l’entreprise, ceux dont la marque est un homonyme de »Chopin » ou qu’il s’agisse de l’interprofession du champagne, tous se disent victimes du présumé élaborateur du faux champagne, Didier Chopin.

Note l’Intersyndicat CGT du champagne :

Nous apportons tout notre soutien aux salariés, victimes directes, licenciés économiquement dans cette affaire. Dans un premier temps nous avons dépêché un conseiller du salarié CGT champagne pour accompagner ceux qui le souhaitaient lors de leur entretien préalable de licenciement et dans un second temps, nous nous porterons partie civile avec demande de dommages et intérêts au terme de la procédure judiciaire en cours…

Tous se disent victimes…

Tout d’abord, les salariés de l’entreprise Chopin, victimes directes, licenciés économiquement dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire en cours. Mais aussi le Domaine Julien Chopin, exploitation familiale à Monthelon qui élabore et commercialise du champagne et du ratafia depuis plus de trois générations et qui doit désormais convaincre sa clientèle que leur entreprise n’a rien à voir dans cette affaire, sans oublier l’image de l’interprofession du champagne qui se serait bien passée d’une telle publicité en cette période de fin d’année.

Pour retracer cette affaire, vous trouverez ci-dessous les articles que publiait l’Union à ce sujet, ainsi qu’une vidéo regroupant notamment des extraits du reportage de France 2 « Complément d’enquête » diffusé le 14 décembre dernier :

La détresse  des salariés  de Didier Chopin 

Le siège de la société Chopin est situé à Champlat-et-Boujacourt, dans la Marne. © Photo Hervé Oudin.

LES FAITS

DIDIER CHOPIN, un vigneron marnais, est accusé d’avoir produit du faux champagne, avec du vin d’Espagne ou d’Ardèche, auquel était ajouté du gaz carbonique.

LE 14 DÉCEMBRE, un épisode de l’émission Complément d’enquête, sur France 2, a confirmé les soupçons de fraude, révélés par L’union le 11 août 2023.

DIDIER CHOPIN employait une quinzaine de personnes à Champlat-et-Boujacourt et à Billy-sur-Aisne, près de Soissons, où il avait créé une société de fabrication de vins d’apéritif.

LA SOCIÉTÉ CHOPIN est en redressement judiciaire depuis le 5 septembre. La holding Chopin, qui chapeaute d’autres entités, l’est depuis le 12 décembre.

DIDIER CHOPIN est installé au Maroc où il a créé une entreprise de production de fruits et légumes.

Les différentes sociétés de Didier Chopin, accusé d’avoir produit du faux champagne, sont placées en redressement judiciaire les unes après les autres. Des licenciements ont déjà eu lieu. Plusieurs employés et ex-employés réclament des arriérés de salaire.

On nous accuse soit d’être « des complices, soit d’être des balances » , lâche Armand (prénom modifié), amer. Ce Sparnacien est toujours salarié de la SAS Chopin, la société du vigneron Didier Chopin, accusé d’avoir produit du faux champagne à partir de vin d’Ardèche ou d’Espagne. Il est l’un des témoins des différentes enquêtes journalistiques parues à ce sujet.

Sur la quinzaine d’employés des différentes entreprises de la holding Chopin, Armand fait partie de ceux qui n’ont pas encore fait l’objet d’un licenciement économique. « Je serai licencié mais comme je suis représentant des salariés, ça prend un peu plus de temps » , explique-t-il.

Depuis plusieurs mois, il se débat dans des problèmes de salaires, versés en retard ou de façon incomplète. « L’été dernier, je n’ai rien touché pendant deux mois. J’ai explosé mon découvert jusqu’à 2 600 euros. Ce mois-ci, j’ai touché 1 300 euros mais je ne sais pas sur quelle base, je n’ai pas de fiche de paie. »

C’est Chopin qui a fait la connerie et c’est les salariés qui trinquent. Lui, il est tranquille. Nous, on a des crédits, des enfants…
Armand

Toute la famille d’Armand a été touchée par « l’affaire Chopin » et le dépôt de bilan de la société. Jusqu’au mois de novembre, son fils de 26 ans travaillait à ses côtés sur la chaîne d’habillage des bouteilles, à Champlat-et-Boujacourt. « Il vient de s’inscrire à Pôle emploi et va chercher à faire des formations. »

Un autre de ses fils, âgé de 16 ans, devait suivre une formation dans les métiers de la vigne, en alternance chez Chopin. « Après deux jours, ils lui ont dit qu’ils ne le prenaient plus. Il n’a pas trouvé un autre employeur, donc il ne fait rien trois semaines par mois et je dois payer l’école, 2 000 euros par an. »

Armand est impatient de passer à autre chose. « C’est Chopin qui a fait la connerie et c’est les salariés qui trinquent. Lui, il est tranquille. Nous, on a des crédits, des enfants, des petits enfants. On est neuf chez moi. C’est dur. »

“NOUS DEVONS PROUVER PLUS ET, LUI, IL EST AU MAROC”

Ex-responsable du site Chopin de Billy-sur-Aisne, Ludivine Jeanmingin a été licenciée en mai 2023 après avoir ouvertement accusé son patron de produire du faux champagne. Au lendemain de la diffusion du Complément d’enquête qui corroborait ses déclarations, la Soissonnaise n’avait pas le moral. Un huissier est venu lui rappeler qu’elle avait perdu sa procédure aux prud’hommes. Elle a fait appel mais Didier Chopin lui réclame 3 500 euros. Son mari était aussi salarié de l’entreprise, en tant que responsable de maintenance. Tous deux sont à la recherche d’un nouveau travail, tout en demandant le paiement d’heures non payées à leur ancien employeur. « Le côté financier n’est rien à côté de l’ouragan psychologique qu’il a semé , témoigne Ludivine Jeanmingin. Nous devons prouver plus et, lui, il est au Maroc et on a l’impression qu’on ne lui demande rien. »

Denis (prénom modifié), salarié d’une autre filiale de la holding Chopin, a le même sentiment. Lui, a également été intimidé par Didier Chopin, par téléphone. « Tu vas manger cher ! » , peut-on entendre dans un enregistrement qu’il a conservé. « L’un de nous va péter un câble. On se fait bouffer la vie, on n’est pas payé et eux vivent leur meilleure vie », s’emporte-t-il, en faisant référence à des voyages récents de membres de la famille Chopin, dont il a entendu parler. Un temps menacé de licenciement pour faute lourde, aujourd’hui en arrêt de travail dans l’attente de son licenciement économique, Denis affirme avoir perdu 1 000 euros de salaire par mois. Il n’a pas d’enfants et l’argent qu’il avait de côté lui permet justement d’engager une procédure aux prud’hommes pour des arriérés de salaires, comme ses collègues.

Une faillite préparée de longue date selon l’avocat de plusieurs salariés

L’avocat rémois M e Ludot défend ainsi six salariés ou anciens salariés des sociétés de Didier Chopin. Pour lui, ces contentieux illustrent « le mode de fonctionnement d’un employeur qui ne respectait pas le code du travail ». En ajoutant des dommages et intérêts aux préjudices financiers, l’avocat demande en moyenne « 50 000 euros par salarié ».

Le passif de la société Chopin s’élèverait à 16 millions d’euros et une liquidation semble inéluctable. Pour l’homme de loi, « la faillite de la société a été préparée de longue date ». La création d’une entreprise de production de fruits et légumes au Maroc répondrait ainsi à la nécessité de s’ouvrir une porte de sortie car « une telle fraude finit toujours par être découverte » .

Contacté, l’avocat de la société Chopin M e Francis Fossier n’a pas répondu à nos sollicitations.

L’affaire du faux champagne fait une victime collatérale

Par Isabel da Silva ; publié dans l’Union du 23 décembre 2023

Emmanuel Chopin partage le même nom que Didier Chopin, négociant mis en cause dans l’affaire du faux champagne. Il se serait bien passé de cette mauvaise publicité à quelques jours des fêtes de fin d’année.« Il n’y a pas qu’un âne qui s’appelle  Martin ! Ou plutôt dans notre cas : il n’y a pas qu’un vigneron qui s’appelle Chopin… » C’est sous la forme de l’humour que le domaine Julien Chopin souhaite faire passer le message. 

Depuis octobre dernier, c’est comme une petite musique » lancinante qui agace fortement Emmanuel Chopin : « Je me sens obligé de me justifier que je n’ai rien à voir avec ce monsieur qui porte le même nom de famille » . Le monsieur en question est Didier Chopin, négociant en vin marnais, mis en cause depuis l’été pour avoir produit du faux champagne dans l’Aisne.

Et depuis, le reportage de « Complément d’enquête » du 14 décembre dernier sur France 2 a accentué le phénomène. « Au début, je me suis dit qu’il n’y aurait pas d’impact… Mais depuis la diffusion, des clients nous appellent pour nous dire qu’ils ont dû expliquer à des amis ou à des connaissances que ce n’est pas notre domaine qui est concerné ». Le vigneron de Monthelon a décidé de répondre par l’humour sur les réseaux sociaux avec des slogans accrocheurs : « Domaine Julien Chopin : vous ne boirez plus notre champagne par hasard ! » ou encore « Naturellement pétillant » et enfin « Pour nos amis les végétariens, avec le faux gras : buvez du vrai champagne »

Le Domaine Julien Chopin est une exploitation familiale qui élabore du champagne et du ratafia champenois depuis trois générations dans les coteaux Sud d’Épernay. Emmanuel Chopin espère enrayer le phénomène et invite les gens à pousser les portes du domaine « haut en couleurs » pour découvrir ses produits élaborés dans les règles de l’art.

La Champagne se dit victime dans l’affaire Chopin

Par Thomas Crouzet ; Publié dans le journal l’Union du &- décembre 2023

Un «Complément d’enquête» sur l’affaire Didier Chopin a été diffusé jeudi soir sur France 2. Illustration Unsplash

Alors que les fêtes de fin d’année approchent, voici une publicité dont la Champagne se serait bien passée. « L’affaire Chopin tourne en boucle depuis plusieurs jours. Cela fait réagir… », acquiesce Maxime Toubart, président du syndicat général des vignerons de la Champagne (SGV).

Au lendemain de la diffusion de « Complément d’enquête » , le nom de Didier Chopin est associé à celui de « faux champagne ». Ce vigneron de la Marne est accusé par d’anciens salariés d’avoir commercialisé du vin produit hors de l’appellation, auquel fut ajouté du gaz carbonique. Des témoignages recueillis dans nos pages en août dernier. Et que le reportage de France 2 est venu appuyer.

DES CAS EXTRÊMEMENT RARES

« Ce sont des cas extrêmement rares, souligne Maxime Toubart. Nous sommes organisés, au niveau de l’État et de la filière, pour identifier et faire cesser les pratiques frauduleuses. Nous avons des outils de traçabilité extrêmement poussés, qui permettront à l’enquête de conclure si le champagne de M. Chopin provient, oui ou non, de l’appellation. »

Rappelons que Didier Chopin clame toujours son innocence depuis le Maroc, lui qui a vu son entreprise placée en redressement judiciaire. « Il ne faut pas oublier que dans ce genre d’affaires, la Champagne est victime », appuie Maxime Toubart.

Ainsi, le Comité Champagne a fait savoir qu’il se constituerait partie civile dans le cas où une procédure judiciaire serait ouverte. Ce qui n’est pas encore le cas, l’enquête étant toujours en cours. Dans le cadre de cette dernière, le Comité Champagne a été auditionné en tant que responsable de la protection de l’appellation champagne. « Dans le cas où l’atteinte à l’appellation champagne est confirmée au terme de la procédure judiciaire, nous demanderons des dommages et intérêts », confirme le Comité Champagne.