L’un des trois châteaux de Corton, sur la côte viticole de Bourgogne • © Photo : OLART FABIEN / HEMIS.FR
Dans cet article publié, le 18 septembre 2024, sur le site de franceinfo – Fr3 Bourgogne Franche-Comté, la journaliste Lisa Guyenne informe que LVMH, le prestigieux groupe de luxe dirigé par Bernard Arnault, propriétaire, entre autres, de Moët & Chandon, Veuve Clicquot, Dom Pérignon Ruinart en Champagne, a récemment acquis 1,3 hectares de vignobles prestigieux à Aloxe-Corton, en Bourgogne, pour 15,5 millions d’euros, provoquant de la colère et de vives réactions dans le monde viticole Bourguignon.
Selon la journaliste, cette transaction met en lumière deux préoccupations majeures : les coûts exorbitants des droits de succession, qui poussent les petits vignerons à vendre, et le risque de voir les vignobles de Bourgogne, connus pour leur typicité, passer sous le contrôle de groupes ultra-riches. Des habitants et vignerons regrettent que ces terres soient rachetées par des grandes fortunes plutôt que par des professionnels du secteur, ce qui les amènent à se poser cette question : « Les joyaux viticoles de France finiront par appartenir au club des ultra-riches ? »
L’Intersyndicat CGT du champagne
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Le groupe LVMH, propriété du milliardaire Bernard Arnault, vient de racheter 1,3 hectares de parcelles de grands crus à Aloxe-Corton (Côte-d’Or) pour 15,5 millions d’euros. Derrière cette opération mirobolante, les vignerons pointent du doigt le problème des droits de succession exorbitants, et le risque pour la typicité des vins de Bourgogne.
Sur la côte viticole, la nouvelle fait du bruit. “Le château de Corton ne va pas avec, pour le prix ? Ah, alors c’est cher, quand même”, réagit, un peu amusé, un habitant. 15,5 millions d’euros pour 1,3 hectare de vigne : cher ? C’est en tout cas ce que vient de débourser le groupe LVMH, propriété du milliardaire Bernard Arnault, 5e fortune mondiale.
La transaction, révélée par le Bien Public en cette mi-septembre, concerne plusieurs parcelles de grands crus appartenant au domaine Poisot, basé à Aloxe-Corton au cœur de la Bourgogne viticole. Y figure notamment une parcelle de Romanée-Saint-Vivant, voisine de la très célèbre Romanée-Conti.
Dans les villages alentour, un autre habitant déplore : “Je pense que ça serait mieux si c’était les vignerons, et non les gens fortunés, qui pouvaient acheter les domaines.” C’est précisément le problème pointé du doigt par le monde viticole.
L’un des trois châteaux de Corton, sur la côte viticole de Bourgogne • © OLART FABIEN / HEMIS.FR
Les raisins de la colère
“Je me sens en colère, clairement. C’est encore une transaction de plus”, peste Thiébault Huber, vigneron à Meursault et président de la CAVB (confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne).
Car si le domaine Poisot a décidé de vendre ces parcelles, c’est qu’il n’avait pas vraiment le choix, confronté à un héritage et des frais insurmontables. “Les droits de succession étaient tellement élevés… À un moment donné, nous ne sommes pas millionnaires, il fallait trouver une solution”, déplore l’exploitant auprès du Bien Public.
La confédération de la CAVB connaît bien ce problème. “Ça fait des années qu’on essaie d’obtenir des amendements fiscaux pour tenter de faciliter la transmission familiale”, affirme Thiébault Huber. Car le prix de vente des parcelles Poisot a été fixé par les services de l’État, en l’occurrence la Safer, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural.
Grâce, ou plutôt à cause de l’image prestigieuse de la Bourgogne, « les valeurs sont complètement décorrélées », poursuit le président de la CAVB. « Une terre qui vaudrait 100 000 euros finit par valoir un million. Et plutôt que d’être taxé sur 100 000, on est taxé sur un million… Il n’y a plus aucune notion de valeur de travail et de rentabilité économique d’une parcelle. »
Cette problématique est loin d’être nouvelle. Le groupe LVMH avait déjà racheté le domaine des Lambrays, à Morey-Saint-Denis. La CAVB, elle, se bat depuis longtemps pour tenter de faire évoluer les lois sur les droits de succession. « Il faut que les domaines soient considérés comme des usines, comme des outils de travail, avec une taxation adaptée. »
« C’est sur la table du gouvernement depuis des années. On attend une loi d’orientation agricole ; elle était prête, calée. Dans le prochain projet de loi finances, il devait y avoir des amendements dans le sens de la préservation des exploitations familiales », liste Thiébault Huber. Mais la démission du gouvernement a gelé ces espoirs. Désormais, les viticulteurs attendent avec impatience de voir à quelle sauce ils seront mangés, en fonction des prochains ministres de l’Agriculture et des Finances, toujours pas nommés ce 18 septembre.
Thiébault Huber, président de la CAVB et vigneron à Meursault • © Guillaume Robin / France Télévisions
« Retour au Moyen-Âge, avec un système féodal »
En attendant, la confédération des vignerons s’inquiète pour la Bourgogne, ses 4 500 vignerons et ses 32 000 hectares de vignes. « C’est tout petit à l’échelle mondiale, mais on est réputé dans le monde entier. C’est le fruit de notre travail de qualité, avec un modèle familial qui marche, un respect du territoire, des rendements limités. Si on en vient à être détenus par 10 familles riches dans le monde, il y a un risque de standardisation. »
« Mais qu’on continue ! » ironise le président de la CAVB. « Comme ça, tous les joyaux de la France appartiendront au club des ultra-riches du monde, on n’aura plus aucune exploitation familiale et on sera dans un système féodal. Retour au Moyen-Âge, avec les seigneurs qui possèdent les terres et les serfs qui bossent pour eux. » Le groupe LVMH, contacté par France 3, n’a pas répondu.