L’économie du champagne sous l’occupation allemande

Une histoire éclipsée : le champagne sous l’occupation

INTRODUCTION :

Le champagne, symbole de luxe et de célébration à travers le monde, cache une histoire bien plus sombre, rarement évoquée. Pendant la Seconde Guerre mondiale, sous l’Occupation allemande, ce vin prestigieux est devenu une ressource stratégique, impliquant les vignobles champenois dans une collaboration économique avec le Reich.

Le documentaire « Les Raisins du Reich » (voir l’extrait de la vidéo ci-dessous) lève le voile sur cette période méconnue, où les grandes maisons de champagne, sous la supervision du Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne (CIVC) créé en 1941 par le sinistre préfet Bousquet, sous le régime de Vichy, ont navigué entre commerce imposé, opportunisme, collaboration avec l’occupant nazie et silence.
Cette histoire complexe, mêlant survie économique et compromissions, reste taboue. Pourtant, elle soulève des questions cruciales sur la mémoire collective et le rôle du champagne dans cette période tumultueuse.

Les raisins du Reich : l’économie du champagne sous l’occupation allemande

La collaboration méconnue des maisons de champagne sous l’Occupation : une histoire occultée

Le commerce avec l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale reste un sujet sensible et rarement évoqué dans les vignobles champenois. Le documentaire « Les Raisins du Reich » souligne une réalité souvent niée : la collaboration active de certaines maisons de champagne avec l’occupant, marquée par la création du Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne (CIVC) sous l’égide du régime de Vichy.

Le commerce avec l’occupant : un tabou bien gardé

Durant l’Occupation, les vignobles de Champagne sont passés sous le contrôle du Weinführer Otto Klaebisch, un officier allemand, chargé d’organiser les achats pour le Reich. Contrairement à l’idée répandue d’un pillage systématique des biens français, la production viticole, y compris celle des vins de Champagne, a été principalement achetée par les Allemands, et ce, à bon prix. De prime abord, cette collaboration, dissimulée sous des justifications économiques, visait à maintenir l’emploi local et éviter des représailles.

Ce commerce s’inscrivait dans une logique de survie pour de nombreuses maisons. Cependant, certains négociants, à l’image, du marquis Melchior de Polignac, patron de la maison Pommery, entre autres, ont été plus qu’accommodants envers les nazis. Engagé dans la collaboration, Polignac militait pour une Europe allemande et profitait des opportunités offertes par le marché nazi.

Malgré l’évidence de ces faits, les grandes maisons de Champagne ont préféré effacer cette période de leur mémoire collective. Le documentaire « Les Raisins du Reich » révèle que de nombreux documents d’archives concernant cette collaboration ont disparu. L’omerta qui règne autour de ces événements est renforcée par le refus des grandes maisons de champagne de participer à des discussions ouvertes sur ce sujet, préférant protéger leur réputation internationale.

La création du CIVC sous Vichy : une collaboration dissimulée

Le Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne (CIVC), créé en 1941 sous l’impulsion du préfet de la Marne René Bousquet, a également joué un rôle central durant cette période. Bousquet, connu pour sa participation active à la collaboration, notamment dans l’organisation de la rafle du Vel d’Hiv, est à l’origine de la structuration de ce comité. Si certains affirment que le CIVC était le prolongement naturel des relations entre vignerons et négociants datant de la fin du XIXe siècle, d’autres voient dans l’origine de sa création un instrument de contrôle économique destiné à garantir les intérêts des Allemands.

Bien que le lien entre la création du CIVC et la collaboration avec les nazis soit rejeté par certains historiens locaux, la coïncidence avec la présence de l’occupant laisse planer des doutes. Les archives du CIVC prouvent que des ventes massives de champagne ont eu lieu durant cette période, alimentant non seulement les soldats allemands, mais aussi les élites du régime nazi.

Les ventes de champagne sous l'occupation

Le rendement des récoltes et prix du kilo de raisins sous l'occupation

La mémoire effacée et la complexité des relations sous l’occupation

Ce double discours, entre collaboration économique et résistance, reflète les ambiguïtés de l’histoire du champagne sous l’Occupation. Si certaines figures comme Robert-Jean de Vogüé, principal dirigeant du CIVC, après s’être accommodé du commerce avec les nazis , se sont engagées dans la Résistance à partir de 1943, d’autres ont profité pleinement de la présence allemande. À Reims et Épernay, plusieurs maisons ont effacé cette mémoire, symbolisée par la disparition du buste de Polignac, autrefois érigé dans le parc de la Maison Pommery.

L’histoire de la collaboration des maisons de champagne est, comme le souligne « Les Raisins du Reich », une page difficile à tourner. Le silence qui entoure encore ces événements témoigne du poids de la culpabilité et du souci de préserver l’image de marque d’un secteur synonyme de fête et de prestige.

Pour conclure, la négation de la collaboration entre les maisons de champagne et l’Allemagne nazie, ainsi que le rôle trouble du CIVC durant l’Occupation, illustrent la complexité de cette période. Tandis que certaines figures du secteur se sont engagées dans la Résistance, d’autres ont saisi, durant la guerre, une opportunité commerciale pour s’enrichir. Cette dualité, toujours passée sous silence, mériterait bien une analyse plus approfondie afin qu’elle soit reconnue dans la mémoire collective régionale.

Extrait de la vidéo : les raisins du Reich, (partie champagne uniquement)

Retrouvez l’intégralité de la vidéo diffusé le 08/10/2024 à 22h52 disponible en replay sur france TV, jusqu’au 14/04/2025 : https://www.france.tv/france-2/infrarouge/6518252-les-raisins-du-reich.html#section-about