Lancée à l’aveugle entre 2019 et 2021, sans véritable évaluation préalable, la réforme de l’assurance chômage a ouvert la voie à un durcissement brutal des droits des chômeurs. © C.Casabianca / REA
✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne
📅 Publié le 14 avril 2025
⏱️Temps de lecture 3 minutes
Un article à lire pour bien comprendre comment les dernières réformes de l’assurance chômage organisent l’appauvrissement des travailleurs privés d’emploi. Une politique qui frappe les plus précaires, sans rien résoudre sur le fond.
Chômage : une réforme qui précarise au lieu de protéger
Une réforme brutale, appliquée sans évaluation sérieuse
La réforme de l’assurance chômage décidée en 2019, et mise en œuvre jusqu’en 2021, a été lancée sans véritable étude d’impact. Portée par le gouvernement Philippe, elle inaugure une série de durcissements inédits à l’encontre des demandeurs d’emploi.
Objectif affiché : forcer le retour à l’emploi plus rapide. Moyens utilisés :
- Allongement de la durée de travail exigée pour ouvrir des droits,
- Calcul désavantageux du montant de l’indemnité pour les parcours discontinus,
- Dégressivité pour les chômeurs les mieux rémunérés (moins de 57 ans),
- Bonus-malus pour les entreprises abusant des contrats courts, sans efficacité réelle.
Derrière la communication officielle, le contenu réel de la réforme repose sur un principe simple : réduire les droits pour faire pression.
Les premiers touchés : les intérimaires, les saisonniers, les précaires
L’ensemble des évaluations réalisées par l’Unédic, la Dares et des chercheurs indépendants est limpide : les plus touchés sont les intérimaires, les salariés en contrats courts, les jeunes et les moins diplômés.
Le nombre d’entrées dans le régime d’indemnisation a baissé de 30 000 par mois en 2023, soit une chute de 15 % par rapport à 2019. Ce n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat direct du durcissement des conditions d’accès.
Et ce ne sont pas les employeurs qui paient les pots cassés : ce sont les travailleurs aux parcours discontinus qui voient leur allocation journalière baisser en moyenne de 6 euros, soit 16 % de moins que dans l’ancien système.
Plus vite vers l’emploi… mais dans quelles conditions ?
Les partisans de la réforme se félicitent d’un effet mesurable : les chômeurs retrouvent plus vite un emploi. Mais les études précisent : il s’agit principalement d’emplois précaires, courts, non choisis.
Pour les plus de 25 ans, les chercheurs notent que l’effet de la réforme ne s’observe que pour les contrats courts, souvent inférieurs à six mois.En d’autres termes, on pousse les chômeurs à se jeter sur les premiers petits boulots venus, sans aucune garantie de stabilité.
Pire encore : aucun effet positif durable n’a été constaté deux ou trois ans après. La politique de la pression ne règle rien sur le fond. Elle accélère la précarité, sans résoudre le chômage.
Quand l’indemnité baisse, les concessions explosent
Les études révèlent que plus l’indemnité baisse, plus les demandeurs d’emploi sont contraints de faire des compromis sur les salaires, les trajets ou la vie personnelle. Ce constat s’applique particulièrement à celles et ceux aux parcours fragmentés, mais aussi aux cadres touchés par la dégressivité.
On assiste à une forme de chantage social permanent : moins de droits, plus d’urgences financières, donc moins de choix.
Une politique qui s’aggrave d’année en année
Depuis 2023, de nouvelles mesures ont renforcé cette logique :
- Réduction de la durée d’indemnisation à 18 mois pour les moins de 55 ans,
- Modulation des droits selon la conjoncture économique (principe de contracyclicité),
- Et, depuis le 1er avril 2025, versement mensuel figé à 30 jours, y compris les mois de 31 jours, soit 18 euros perdus en moyenne par mois.
Chaque nouvelle réforme s’inscrit dans la même orientation : rendre les droits au chômage toujours plus durs à obtenir, toujours plus faibles, toujours plus humiliants.
Conclusion : un chômage invisibilisé, une précarité organisée
Contrairement à ce que prétendent les promoteurs de cette réforme, le chômage n’a pas baissé : Les chercheurs d’emploi ont été écarté des statistiques, sortis des droits, poussés vers la précarité.
Oui, certains retrouvent un emploi plus vite. Mais ces emplois sont instables, mal choisis, mal payés, et ne règlent rien sur le long terme.
Cette réforme n’a pas lutté contre le chômage, elle a transformé les chômeurs en travailleurs jetables, privés de tout pouvoir de négociation.
Sources :
- “Un emploi à tout prix – la réforme de 2019 pousse les chômeurs vers la précarité”, Alternatives Économiques, article de Sandrine Foulon, publié le 11 avril 2025.
- “Assurance-chômage : une nouvelle réforme à venir ?”, Le Monde, article de Thibaud Métais et Bertrand Bissuel, publié le 8 avril 2025.