La branche vins et spiritueux de LVMH est en pleine tourmente : chute des expéditions, incertitudes sur les marques champenoises et manœuvres financières renforcent un climat social déjà tendu. © MARTIN BUREAU / AFP
✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne
📅 Publié le 16 avril 2025
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D’après les révélations du journal « La Lettre », la branche vins et spiritueux du groupe LVMH traverse une période critique. Baisse des expéditions, menaces sur les marques champenoises du groupe, et manœuvres financières à grande échelle : le climat social et économique s’annonce particulièrement tendu.
Selon deux enquêtes publiées par la journaliste Sophie Lecluse dans La Lettre, les 8 et 14 avril 2025, la branche Moët Hennessy (MH) du groupe LVMH est confrontée à une baisse brutale de ses résultats et à une réorganisation profonde, aux conséquences directes pour la filière champagne intégrée au groupe.
Résultats en chute libre : la branche vins et spiritueux de LVMH dans la tourmente
À peine nommés, Jean-Jacques Guiony (ancien directeur financier de LVMH) et Alexandre Arnault, nouveau duo à la tête de Moët Hennessy, doivent affronter une conjoncture défavorable. Les prévisions de résultats pour 2025, déjà modestes (1,2 milliard d’euros), ont été abaissées à 1,1 milliard, et pourraient tomber sous le milliard d’euros. En cause : le ralentissement mondial, le recul des ventes de champagne, et les taxes douanières américaines de 20 %, imposées par Donald Trump, qui pourraient à elles seules coûter plus de 200 millions d’euros au groupe.
Le secteur champagne est en première ligne : en février 2025, les expéditions ont chuté de 8,6 %, accentuant les difficultés d’une branche déjà fragilisée par une baisse des volumes et une politique tarifaire jugée trop agressive ces dernières années.
Des coupes annoncées dans les dépenses… et des marques champenoises sur la sellette
Pour tenter de maintenir une rentabilité minimale, la direction prévoit plus de 200 millions d’euros d’économies. Une partie de ces coupes pourrait concerner la communication, les frais commerciaux, et surtout des ventes d’actifs jugés secondaires. Parmi les marques concernées figurent Mercier et Armand de Brignac, deux maisons de champagne du portefeuille LVMH.
La logique de recentrage vers les marques les plus emblématiques, comme Moët & Chandon, Ruinart et Hennessy, inquiète pour l’avenir des sites de production, des équipes locales et du maillage territorial qui fait la richesse de la Champagne.
Par ailleurs, les procédures internes de validation budgétaire, désormais centralisées, ralentissent les décisions commerciales. Un fonctionnement dénoncé par les équipes chargées de la distribution, qui peinent à entretenir les relations de proximité avec les clients – pourtant essentielles dans le secteur des grands champagnes.
Une scission en préparation : vers une sortie de Moët Hennessy du périmètre LVMH ?
Dans ce contexte, une autre nouvelle importante se profile : la possible séparation de Moët Hennessy du reste de LVMH, scénario étudié depuis début 2024. LVMH envisagerait de racheter les 34 % de parts encore détenues par le groupe britannique Diageo dans MH. Ce rachat, facilité par la chute de la valorisation de la branche (passée de 50 à environ 25 milliards d’euros), ouvrirait la voie à une scission (spin-off) de Moët Hennessy, avec une cotation autonome, probablement à Amsterdam.
Ce projet s’inscrirait dans une stratégie plus large : isoler une activité perçue comme à risque, notamment sur les marchés anglo-saxons où l’alcool est de plus en plus assimilé au tabac, pour mieux valoriser les activités de mode et maroquinerie du groupe. Si elle se concrétise, la séparation permettrait à Alexandre Arnault de prendre la tête d’un nouveau groupe coté, entièrement centré sur les vins et spiritueux.
Une vigilance nécessaire pour les salariés du champagne
Dans cette phase d’incertitude stratégique, ce seraient bien les salariés de la branche champagne de LVMH qui pourraient se retrouver exposés : vente d’actifs, restructuration interne, recentrage marketing… Tous les ingrédients sont réunis pour déstabiliser les équipes, affaiblir certaines maisons historiques, et remettre en cause des équilibres locaux construits de longue date.
Le climat social s’annonce d’autant plus tendu que, dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO) chez Moët & Chandon – Ruinart, aucun accord n’a été signé entre la direction et le syndicat CGT, signe d’un dialogue social dégradé à un moment où l’avenir de la filiale s’écrit dans l’incertitude.
Sources :
– Sophie Lecluse,“Moët Hennessy : Jean-Jacques Guiony revoit ses perspectives de profit à la baisse”, La Lettre, 8 avril 2025.
– Sophie Lecluse, “LVMH : la scission entre LV et MH prend de nouveau sens”, La Lettre, 14 avril 2025.