Paysage du vignoble champenois ©Prestige Online

✍️ Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 28 avril 2025

⏱️Temps de lecture 3 minutes

Tiré d’un article paru dans La Champagne Viticole de mars 2025, cet éclairage rappelle combien la maîtrise des droits plantations est cruciale pour l’avenir de l’AOC Champagne. Alors que Bruxelles impose chaque année de nouvelles plantations, y compris pour les Vins Sans Indication Géographique (VSIG), la filière fait face à un risque majeur de banalisation et de standardisation de son image d’excellence. L’Intersyndicat CGT du Champagne tire la sonnette d’alarme.

Depuis 2003, la révision de l’aire d’Appellation Champagne est un chantier sensible, engagé pour sécuriser juridiquement les limites de l’AOC après plusieurs contentieux. À l’époque, la réglementation européenne interdisait les plantations nouvelles : la maîtrise de l’expansion du vignoble semblait assurée.

Or, depuis 2016, sous l’effet de nouvelles règles européennes, les producteurs sont contraints d’accepter chaque année des autorisations de plantations nouvelles, y compris pour la production de VSIG, ces vins sans indication géographique, sans cahier des charges qualitatif, et sans attachement au terroir. En Champagne, cela représente l’obligation d’autoriser 10 ares de plantations VSIG par an, même au cœur de l’Appellation.

Le Syndicat Général des Vignerons de la Champagne (SGV) a donc décidé de demander la suspension des travaux de révision de l’aire tant que la maîtrise totale des plantations ne sera pas garantie. Le risque est simple : la cohabitation forcée de vignes destinées à l’AOC Champagne et d’autres destinées à des VSIG sur un même territoire compliquerait le contrôle des volumes, ouvrirait la voie aux fraudes et mettrait en péril l’image d’exception du Champagne.

Les conséquences pourraient être catastrophiques : confusion pour le consommateur, risques accrus de fraude par substitution de raisins ou de vins, et affaiblissement de la valeur de l’appellation. Face à ces menaces, la mobilisation de la filière pour obtenir une réforme rapide de l’Organisation Commune du Marché vitivinicole est totale.

Pour l’Intersyndicat CGT du Champagne, les dangers qui se profilent dépassent la seule question des plantations VSIG. Ils s’inscrivent dans une série d’évolutions inquiétantes qui, à terme, risquent de diluer l’essence même de l’AOC Champagne :

  • L’impossibilité de contrôler des volumes sur un territoire mixte expose directement la filière aux fraudes, comme l’illustre l’affaire du faux Champagne Chopin​.
  • La modification du cahier des charges de 2010, autorisant la taille en guyot dans les 1er et Grands Crus, vient affaiblir un interdit ancien visant à préserver la qualité supérieure du vignoble.
  • L’autorisation de la vigne semi-large remet en cause la singularité de la culture en rangs serrés, emblématique de la Champagne, et rapproche ses méthodes de production industrielle de celles du prosecco.
  • La plantation autorisée du nouveau cépage « Voltis », sans recul suffisant, fait courir un risque encore inconnu sur la typicité organoleptique du vin.
  • Le recours massif à la prestation de services accentue le manque d’attractivité des métiers viticoles et la perte des savoir-faire.

Toutes ces évolutions convergent vers un même paradigme : une surindustrialisation de la filière, visant à abaisser les coûts de production au détriment de son identité d’exception, transformant lentement mais sûrement le Champagne en un vin effervescent ordinaire parmi d’autres.

Or, la force du Champagne tient précisément à sa singularité : une histoire séculaire, des exigences culturales uniques, un savoir-faire mondialement reconnu. Le Champagne n’est pas un simple vin effervescent : c’est une icône du luxe français, un ambassadeur du savoir-faire viticole d’exception. Accepter sa banalisation, ce serait trahir cet héritage. Orchestrer sa standardisation l’exposerait davantage au désamour des consommateurs.

L’Intersyndicat CGT du Champagne l’affirme haut et fort : nous refusons que la Champagne soit sacrifiée sur l’autel d’une logique de production surindustrialisée, déshumanisée. Nous demandons la fin de l’obligation de production de VSIG dans l’aire d’Appellation et la restauration d’un véritable pouvoir de maîtrise sur nos plantations. Nous exigeons le respect de l’esprit des pionniers qui ont fait de notre AOC une référence mondiale.

Certes, certains ne manqueront pas de nous accuser, une fois encore, de faire du « champagne bashing » ou de scier la branche sur laquelle nous sommes assis. À ceux-là, nous répondons simplement : regardez bien qui tient le manche de la scie… et qui pousse l’arbre à tomber à coups de tronçonneuse.