En devenant président, David Chatillon a cessé son activité de directeur de l’UMC. Il a été remplacé par Pauline de Limerville, nommée secrétaire générale.R. Wafflart
Après quinze années passées à la direction de l’Union des maisons de Champagne, David Chatillon en a pris la présidence le 1 er avril, succédant à Jean-Marie Barillère. Celui-ci revient sur les missions de la structure et les défis à relever pour les années futures.
A SAVOIR
AVOCAT DE FORMATION, David Chatillon est arrivé en Champagne en 2006.
DIRECTEUR DE L’UMC pendant quinze ans, il exercera sous la présidence Yves Bénard, Ghislain de Montgolfier et Jean-Marie Barillère.
PRÉSIDENT DE L’UMC ET COPRÉSIDENT DU COMITÉ CHAMPAGNE depuis le 1 er avril, il a été élu par les représentants des membres des maisons de Champagne.
CONSEILLER COMMUNAUTAIRE DÉLÉGUÉ DU GRAND REIMS depuis 2014, il est en charge du développement et de l’animation des zones d’activité.
David Chatillon, vous avez été directeur de l’Union des maisons de Champagne ces quinze dernières années. Le 1 er avril, vous en avez pris la présidence. Peut-on parler de continuité naturelle ?
Je ne dirais pas naturelle, car il est très inhabituel pour les membres de l’UMC de désigner un président qui ne soit pas issu directement d’une maison de champagne. Seul Jean-Marie Ducellier, ex-secrétaire général, a été nommé à la présidence en 1974. Et encore, entre-temps, il avait hérité de la propriété de la maison Ayala.
Donc, ces cinquante dernières années, la structure a systématiquement été représentée par un directeur de groupe champenois ou un président de maison. Pour ce nouveau mandat, les membres de l’UMC ont accepté de raisonner « en dehors des boîtes », ce qui sort de l’ordinaire.
Pourquoi ce choix de la part des membres du négoce ?
La charge de travail est telle, à l’heure actuelle, que les membres de l’UMC ont fait le choix de nommer quelqu’un qui puisse se consacrer à 100 % à cette tâche. Présider l’UMC, c’est également coprésider le Comité Champagne, et cumuler encore d’autres mandats nationaux. Si vous ajoutez à cela la responsabilité d’une maison ou d’un groupe, c’est mission impossible. Je ne conserverai d’ailleurs pas mes fonctions de directeur de l’UMC. Ces dernières seront assurées par Pauline de Limerville, qui est devenue secrétaire générale le 1 er avril. Celle-ci m’accompagnait déjà dans ma mission depuis 2019.
Note de l’Intersyndicat CGT du champagne :
Cette nomination est effectivement bien plus « qu’inhabituelle » car c’est bien la première fois depuis la création de l’UMC que ses membres désignent un président qui ne soit pas issu directement d’une maison de champagne.
En effet, lorsqu’en 1974, Monsieur Ducellier est passé de la fonction de secrétaire général de l’UMC à la présidence, il était déjà président de la Maison Ayala à AY et cela nous pose questions : derrière l’argument de « l’importante charge de travail », ne se cacherait-il pas plutôt l’absence de compétences, contraignant les présidents des maisons de champagne à déléguer leurs responsabilités à un tiers qui ne soit pas issu directement d’une maison de champagne ?…
Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs ce que représente l’UMC ?
Il s’agit de la plus vieille institution champenoise, créée en 1882 pour défendre l’usage du mot champagne. Aujourd’hui, l’UMC, c’est 76 marques, qui représentent 70 % du chiffre d’affaires de la filière et 90 % des exportations.
Il y a les grandes maisons mais aussi des PME et des TPE. La seule condition étant d’avoir une carte de négociant manipulant (et donc acheter du raisin à une structure extérieure).
L’UMC a trois missions. L’une est de défendre l’intérêt des maisons, comme un syndicat professionnel classique. L’autre, est de servir de lieux de concertation pour les sujets qui concernent l’appellation (économie, environnement, communication etc.). Ces derniers sont ensuite remontés et traités au niveau du Comité Champagne, avec une mise en commun avec le Syndicat général des vignerons (SGV). Enfin, l’UMC étant également un syndicat patronal, elle est chargée de négocier la convention collective du Champagne, qui s’applique aux 5 000 salariés des maisons.
Quelle grande orientation comptez-vous donner à votre mandat ?
La ligne directrice sera de créer un contexte favorable au développement durable des maisons de Champagne. Et je dis « maisons de Champagne » car je suis président l’UMC, mais je pense également aux vignerons. On sait bien, aujourd’hui, qu’une famille ne peut réussir sans l’autre.
Il faut enrichir la dimension matérielle et immatérielle de la Champagne pour progresser en termes de valorisation de nos cuvées.
Votre prédécesseur, Jean-Marie Barillère, ne voulait pas entendre parler de concurrence possible avec les autres effervescents internationaux. Est-ce également votre position ?
Je ne pense pas que l’on puisse parler de concurrence avec des effervescents vendus à moins de 10 euros. Il n’y a aucune comparaison possible. En revanche, nos concurrents, ce sont les produits valorisés à la même échelle que la nôtre. Il y a quelques mousseux, c’est vrai, mais il y a aussi des rosés, des gins, des whisky, avec des bouteilles vendues à 50 euros et plus. Et puis, il y a les grands vins de gastronomie, où le champagne se fait sa place. Nous sommes d’ailleurs très compétitifs sur ce segment, avec l’un des meilleurs rapports qualité prix du marché.
« Il faut enrichir la dimension matérielle et immatérielle de la Champagne pour progresser en termes de valorisation »
La Champagne sort de deux années de crise, l’une économique, l’autre agronomique. Les négociations autour du rendement de la campagne 2020 ont marqué les esprits. Comment éviter que cela ne se reproduise à l’avenir ?
Il ne fait aucun doute que la décision prise en 2020 de limiter le rendement à 8 000 kg/ha, a été difficile à accepter. Néanmoins, elle a été le fruit d’un consensus entre l’UMC et le SGV. L’objectif, à l’époque, était d’éviter que le marché des bouteilles ne s’effondre avec une baisse des prix des bouteilles et du raisin. De ce point de vue, le job a été rempli. Concernant 2021, personne n’était capable d’anticiper une telle reprise économique, qui n’était pas attendue avant 2023, et de prédire une faible récolte.
Alors, il faut tirer tous les enseignements de cette séquence difficile pour progresser. Des réflexions sont en cours pour perfectionner nos outils de régulation et faire en sorte qu’aucun raisin de qualité ne soit perdu.
Par quoi va passer le développement de la Champagne ces prochaines années ?
Et bien, nous venons d’en parler. Déjà, il faut assurer l’alimentation du marché en lien avec les besoins de consommation. Donc c’est définir un rendement adéquat et améliorer nos outils de régulation, notamment la réserve interprofessionnelle. C’est aussi réussir à intégrer les nouvelles pratiques culturales, les variétés résistantes, les outils de précision, à la partie production. Enfin, l’innovation doit nous permettre de produire le plus proprement possible, en réduisant au maximum notre impact environnemental.
Un message à adresser aux maisons ?
Je dirais qu’elles n’ont jamais été si unies qu’aujourd’hui et que c’est une grande force. Il y a cette « fusée à deux étages », comme l’appelle Yves Bénard, composée de l’appellation « champagne » et du nom de la marque, qui se tirent mutuellement vers le haut. C’est cette association gagnant-gagnant qui permet de renforcer la désirabilité de nos cuvées, dont je parlais tout à l’heure, et de valoriser l’image de la Champagne.