Temps de lecture : 4 minutes

Une nouvelle étude du Conseil d’analyse économique montre que les dispositifs de partage de la valeur (intéressement, participation, prime Macron…) restent marginaux et que l’enjeu principal du partage de la valeur est ailleurs.

Participation, intéressement, prime Macron… les dispositifs de partage de la valeur ont le vent en poupe. De quoi déclencher débats politiques et médiatiques. Pourtant, il ne faut pas en attendre grand-chose, si l’on en croit un travail récent publié par le Conseil d’analyse économique (CAE).

Rappel du contexte : le gouvernement pousse ces dispositifs depuis plusieurs années, en comptant sur eux pour être une alternative aux hausses durables de salaires. Le retour de l’inflation a renforcé le mouvement.

L’exécutif s’inquiétant d’une hausse des salaires pour la compétitivité des entreprises françaises, il a invité les partenaires sociaux à plancher sur ces dispositifs flexibles. La plupart des syndicats ont consenti à le faire en signant un accord national interprofessionnel (ANI) en février dernier. Repris dans un projet de loi fin mai, il va notamment obliger les entreprises de 11 salariés qui sont rentables à mettre en place ce type de dispositifs à partir de l’an prochain.

Premier enseignement de l’étude du CAE, la somme de tous ces dispositifs pèse peu au niveau macroéconomique, de l’ordre de 1 % seulement de la valeur ajoutée.

On retrouve ensuite des résultats bien connus : ces rémunérations sont très inégalitaires, bénéficiant surtout aux salariés des grandes entreprises et à celles et ceux qui sont déjà les mieux payés. Mais même pour eux, cela ne représente qu’un peu moins de 4 % de leur rémunération totale.

Les chefs d’entreprise profitent-ils de ces mécanismes pour ne pas augmenter les salaires ? L’abaissement du seuil de participation obligatoire de 100 à 50 salariés avec la loi de 1990 s’est effectué sans substitution.

A l’inverse, les études sur les dispositifs mis en place de façon volontaire montrent qu’un tel effet existe. Une étude de l’Insee a ainsi documenté que la prime Macron entraînait chez les employeurs un effet d’aubaine1, estimé entre 15 et 40 %. Autrement dit, pour un euro de prime Macron versé, les salaires seraient amputés de 15 à 40 centimes, selon l’approche retenue.

Le gouvernement admet d’ailleurs lui-même, dans le Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, que l’épargne salariale a un effet de « substitution sur le long terme aux rémunérations ordinaires ».

Effet de substitution

L’étude du CAE se penche aussi sur l’effet des dispositifs de partage de la valeur sur les finances publiques, puisque tous sont plus ou moins exemptés de cotisations sociales. Elle montre que les entreprises optimisent le recours aux différents dispositifs pour réduire leurs prélèvements obligatoires. Elles font ainsi porter une partie du fardeau sur les comptes publics, qui peuvent perdre jusqu’à 38 centimes de recettes fiscales pour chaque euro versé par l’intermédiaire de ces mesures. Le budget de l’Etat, sans oublier celui de la sécurité sociale, pâtissent de ces dispositifs.

Au vu de tous ces résultats, les économistes du CAE invitent à recourir à un mécanisme unique et obligatoire, par exemple de participation.

Les transferts artificiels des profits, le vrai problème

Mais cette proposition est formulée sans grande conviction car la note termine, à juste titre, en rappelant qu’en termes de partage de la valeur, tous ces dispositifs restent marginaux face aux stratégies de transferts artificiels des profits par les entreprises.

A tous ceux qui répètent que, contrairement à ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, le partage salaires/profits est stable en France, la note répond :

« Les estimations les plus récentes suggèrent que la prise en compte de ces comportements aboutit à une augmentation de deux points de pourcentage de la part du capital dans la valeur ajoutée en France, et donc à une baisse correspondante de pourcentage de la part du travail. »

Remettre en cause ces comportements représente « sans doute l’enjeu le plus déterminant pour le partage de la valeur », conclut la note.