Dans cet article paru le 31 mai 2024 dans le journal numérique de Vitisphère, Hélène de Montaignac a interviewé Cyrille Bortoluzzi, référent régional agricole à la Dreets d’Occitanie, sur les précautions à prendre pour travailler sous de fortes chaleurs.
Le référent de la Dreets d’Occitanie indique qu’« Au-delà de 28 °C, effectuer un travail physique, comme le travail dans les vignes, génère des risques » et insiste sur l’importance de la nécessité d’en informer les salariés à l’avance.
Certes, tout ce que préconise la Dreets sont des mesures de bon sens, mais hélas elles ne sont que de simples recommandations et ne sont donc pas assorties de sanctions si les maisons de champagne, les vignerons ou les prestataires de services omettent de les appliquer.
Imaginez-vous l’augmentation du nombre de morts sur les routes de France si les limitations de vitesse n’étaient que de simples recommandations. Et, si elles ne faisaient pas l’objet de contrôles et de sanctions allant du simple PV, avec ou sans retrait de points, jusqu’à la suppression du permis de conduire, ces recommandations seraient-elles véritablement respectées par tous les automobilistes ?
Pour l’Intersyndicat CGT du champagne, ces mesures de prévention ne seront pas efficaces tant qu’elles ne seront pas rendues obligatoires par l’ajout de nouveaux articles du code du travail et tant que les employeurs ne seront pas sanctionnés s’ils omettent de les appliquer. Il faut également que les CSE ou les CSSCT soient consultés sur les mesures prises par l’employeur pour diminuer le risque lorsque les salariés de leur vignoble sont exposés à des chaleurs supérieures à 28°.
Mais, il faut aussi que les effectifs de la MSA et de l’inspection du travail soient suffisamment renforcés afin qu’un maximum de contrôles soient effectués dès le début des fortes chaleurs, particulièrement pour la période de vendange.
C’est à ce prix que nous éviterons le retour des tragiques événements (5 décès) que nous avons connus lors des vendanges de la honte en 2023
La Vigne
INTERVIEW
Cyrille Bortoluzzi, référent régional agricole à la Dreets* d’Occitanie, fait le point sur les précautions à prendre pour travailler sous de fortes chaleurs et insiste sur la nécessité d’en informer les salariés à l’avance.
Par Hélène de Montaignac – Le 31 mai 2024
Cyrille Bortoluzzi, référent régional agricole DREETS Occitanie rappelle qu’il est de la responsabilité de l’employeur de veiller à la santé et à la sécurité de ses employés. © photo : DR
Y a-t-il une réglementation spécifique au travail sous la chaleur ?
Cyrille Bortoluzzi : On parle plutôt de recommandations car la réglementation ne définit pas clairement le travail en période de fortes chaleurs. C’est donc le devoir légal de protection des salariés qui est rappelé : il est de la responsabilité de l’employeur de veiller à la santé et à la sécurité de ses employés, dans le cadre de son obligation d’évaluer les risques professionnels.
Y a-t-il une température au-delà de laquelle on ne travaille plus ?
C.B. : L’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) précise qu’au-delà de 28 °C, effectuer un travail physique, comme le travail dans les vignes, génère des risques pour le salarié. Cela ne signifie pas qu’il faille nécessairement arrêter de travailler. En revanche, l’employeur doit évaluer les risques et adapter l’organisation du travail en conséquence de la chaleur.
Que faire en cas de forte chaleur ?
C.B. : Je ne peux que recommander à l’employeur de s’organiser en amont. À une chaleur extrême, il devra répondre par des modifications de l’organisation du travail sur le terrain. Ces modifications peuvent porter sur les horaires, le lieu ou le type de travail. Ces mesures organisationnelles doivent être anticipées. S’il y a un travail à réaliser, il faut que les salariés soient en capacité de l’accomplir correctement sans se mettre en danger.
Peut-on imposer des horaires décalés et notamment de commencer à l’aube ?
C.B. : Oui, en vertu de son pouvoir de direction, l’employeur décide des horaires du salarié. En l’occurrence, commencer à travailler aux heures les plus fraîches de la journée est un aménagement bien adapté pour lutter contre les risques dûs à la chaleur.
L’employeur doit-il garantir des pauses à l’ombre ?
C.B. : Pour des raisons de santé et de sécurité, les salariés doivent avoir la possibilité de faire des pauses régulièrement et de se mettre à l’ombre au moins pendant la pause méridienne. Je conseille aux employeurs d’échanger avec un préventeur de la MSA pour la mise en œuvre de telles mesures. S’il n’y a pas d’ombre naturelle, d’autres options existent. Déplacer les salariés dans un local dédié et frais est idéal. On peut aussi s’abriter dans une construction modulaire climatisée de type Algeco. À défaut, on peut envisager de dresser un barnum dans les vignes.
Doit-il fournir des protections comme chapeaux ou crème solaire ?
C.B. : Les salariés peuvent apporter leur propre chapeau ou casquette et leur propre crème solaire. Mais s’ils ne sont pas équipés, un couvre-chef et de la crème solaire doivent être mis à leur disposition. Tout comme de l’eau tempérée en quantité suffisante.
Le salarié peut-il exercer son droit de retrait ?
C.B. : Ceci relève du code du travail. Si un salarié pense raisonnablement que le contexte de travail, ici la chaleur, peut mettre sa santé ou sa vie en danger, il doit aussitôt alerter l’employeur. Un échange devra suivre entre les deux parties pour établir un constat partagé. Il est possible que certains salariés soient plus sensibles au risque comme ceux qui souffrent d’une pathologie, qui prennent un traitement médicamenteux, qui manquent de sommeil… Accorder une pause et la possibilité de se rafraîchir est un minimum. L’objectif de cet échange est de parvenir à trouver une solution pour garantir la sécurité et éviter au salarié d’exercer son droit de retrait. Le salarié est aussi en droit d’alerter l’Inspection du travail. Juridiquement, le droit de retrait ne génère ni sanction ni retrait de salaire. Toutefois, s’il y a désaccord entre le salarié et l’employeur et que le salarié exerce son droit de retrait, c’est le juge qui statuera sur son bien-fondé. J’en reviens donc à l’importance pour l’employeur de s’être organisé en amont afin de se donner toutes les chances d’éviter une situation de crise.
Auprès de qui prendre conseil sur tous ces sujets ?
C.B. : Auprès de la MSA ou de l’Inspection du travail. L’employeur peut contacter un conseiller en prévention de la MSA qui pourra éventuellement venir sur place pour faire des préconisations spécifiques. Les représentants du personnel, s’il y en a, ont aussi un rôle à jouer et doivent être consultés. L’employeur peut aussi se renseigner auprès de la Commission paritaire d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, si elle est en place. Une fois qu’il aura déterminé son plan de gestion des risques, l’employeur aura tout intérêt à en informer ses équipes au plus vite. Cela responsabilisera chacun individuellement et collectivement.
*Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités.
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