Deux nuits de gelées ont été profondément impactées par les vignes de la Champagne, avec des dégâts de vigne allant de 20 à 70 % dans les secteurs où la végétation la plus avancée.
La semaine aura été éprouvée pour les professionnels de la vigne. L’épisode de gel annoncé sur toute la France n’a pas été épargné la Champagne et des secteurs ont été observés dans tous les où le chardonnay prédomine. Dans le Vitryat et le Sézannais, terroirs les plus précoces de la Marne, les feuilles étaient déjà visibles hors des bourgeons. Les températures quasi estivales du mois de mars ont favorisé la pousse rapide de la végétation, exposant la vigne aux gelés
Jusqu’à 70 % de dégâts dans le Vitryat
« Ces écarts extrêmes de températures, nous ne sommes pas des habitués, ont d’importants dommages, regrette Hubert Thiébault, viticulteur à Montgenost. Dans la nuit de lundi à mardi, déjà, près d’un tiers des bourgeons ont été frappés par le gel. La nuit suivante, une pellicule de neige recouverte de la végétation, en début de soirée. Le froid combiné à l’humidité ont accumulé les dommages. Je pense que l’on aura au moins la moitié des bourgeons touchés. »
Les communes voisines au sud du Sézannais (Bethon, Montgenost, Villenauxe-la-Grande) ont été plus les brûlées, tandis que celles-ci étaient plus au nord comme Saudoy estimaient les dommages inférieurs, de l’ordre de 20 %.
Côté vitryat, « l’ensemble des secteurs viticoles ont été impactés, avec une importance variable d’une parcelle à l’autre, indique Clément L’Hoste, viticulteur à Bassuet. Certains déplorent des pertes à 20 %, d’autres à 60 ou 70 %. Nous verrons bien dans les jours prochains les bourgeons qui restent sur pied et ceux qui tombent. »
Outre ces deux territoires, la Côte des blancs n’est pas passé à traverser la vague de froid. Arnaud Descotes, directeur technique au Comité Champagne, faisait état d’un pic à -7ºC dans le secteur dans la nuit de lundi à mardi.
Du côté de Vertus et de Bergères-lès-Vertus, la nuit suivante, des relevés à -3 et -4ºC ont été effectués. Les chardonnays ont ainsi été impactés. « Nous avons mis en place un système de surveillance météorologique sur Vertus, avec l’installation de stations connectées, explique Hervé Sanchez, président de la section locale du SGV. Nous avons constaté de gros écarts de températures d’une parcelle à l’autre, aussi les éléments sont vraiment hétérogènes. »
Si les viticulteurs sont désormais capables de consulter et de prévoir très précisément la météo, très peu en revanche s’essaient à la lutte contre le gel. La raison principale ? Le coût. « L’aménagement de systèmes de protection nécessite des investissements importants, confirme Medhy Thiébault, correspondant local de l’association viticole champenoise (AVC) à Montgenost. Les bougies à paraffine sont chères et ne se recyclent pas. Elles sont même proscrites dans les exploitations engagées en certification environnementale. »
“Nous avons constaté de gros écarts de températures d’une parcelle à l’autre, aussi les dégâts sont vraiment hétérogènes”
Le viticulteur de Montgenost s’est mis en quête d’alternatives moins certifiées, comme l’application de produits homéopathiques à base d’aspirine végétale.
« J’en ai diffusé sur les vignes quatre heures avant la chute des températures , fait savoir Medhy Thiébault. Malheureusement, le produit a ses limites, et ne permet pas de résister en dessous de -1 à -2ºC. Pour Montegnost, cela n’a pas épargné les bourgeons. En revanche, j’ai fait d’autres essais à Bethon qui ont porté leurs fruits et ont limité les événements . »
Autre piste que le producteur de champagne exploitera l’année prochaine : le couvert végétal.
« En introduisant certaines espèces végétales entre les rangs, comme le seigle, on peut réduire les risques de gelées. Le fait d’avoir une végétation importante, très haute, protège les bourgeons du vent et du froid . » assure Medhy Thiébault.
D’autres alternatives encore existantes, expérimentées par le Comité champagne.
Alors 2 % du vignoble champenois est protégé contre les viticulteurs que seuls ont rencontrés l’équiper plus longuement, notamment à cause du dérèglement climatique et des écarts de température de plus en plus fréquemment rencontrés.
Un bilan sera établi prochainement par le Comité champagne pour estimer les événements rencontrés sur l’ensemble de l’appellation.
« Il ne faut cependant pas désespérer , souffle Hubert Thiébault. Une perte de 50 % des bourgeons ne signifie pas que la récolte sera impactée en conséquence. Des contre-bourgons peuvent se développer et compenser les dommages. Seulement, en chardonnay, ces contre-bourgeons sont moins fructifères que dans les meuniers ou les pinots noirs. Nous serons soulagés une fois les Saints de glace passés (le 11 et 13 mai 2021, dates symboliques après lesquelles les risques de gelées sont normalement écartés, NDLR.). »