DEVOIR DE MEMOIRE

 

Soixante ans après le massacre du métro Charonne qui fit neuf morts, tous syndiqués à la CGT (huit d’entre eux étant par ailleurs membres du PCF) n’a toujours pas été reconnu comme un crime d’État. Une date commémorée ce 8 février, à 18 heures, avec l’exigence de vérité et de justice. Retour sur cette répression sanglante du 8 février 1962 qui tient une place singulière dans la mémoire collective de la classe ouvrière.

En ce début février 1962, des négociations secrètes se mènent entre le gouvernement français et le FLN algérien pour trouver une issue à une guerre qui dure depuis plus de sept ans. Les manifestations organisées pour la paix en Algérie, notamment par la CGT, sont interdites et réprimées. La presse est censurée. Le 7 février, un énième attentat de l’OAS contre le domicile d’André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, blesse cruellement au visage une fillette de quatre ans. L’émotion est immense. Les unions départementales CGT, CFTC, Unef, le PCF et le PSU réagissent en appelant à manifester pacifiquement « contre le fascisme » le lendemain, 8 février. Et c’est au moment de la dispersion à l’heure prévue (19 h 30) qu’un détachement d’une trentaine de policiers charge sauvagement la foule. Ils sont armés de longues matraques de bois, les « bidules » et cognent. Ils s’acharnent sur les manifestants qui refluent vers les bouches de métro. Pris de panique, les gens trébuchent, tombent les uns sur les autres et s’entassent, formant un monticule ­compacte dans l’escalier. Durant dix à vingt minutes, les policiers frappent sur ces corps entassés en tournant autour des balustrades, brisent les crânes et les membres, fracassent leurs « bidules » et jettent sur les corps les grilles en fonte arrachées aux arbres, ainsi que des guéridons de bistros. Sept des huit morts qu’on relèvera ont péri à l’intérieur ou aux abords de la bouche du métro (la neuvième victime décédera quelques temps plus tard des suites de ses blessures). Et les blessés se dénombrent par dizaines.

Qui est responsable ?

« Les faits, la vérité historique sur ce massacre sont établis par de nombreux travaux, des enquêtes minutieuses », assure Henri Cukierman, le président du Comité vérité et justice pour Charonne. Ainsi, on sait que ces policiers appartenaient aux « compagnies de district » crées par le préfet Baylot alors que Maurice Papon était secrétaire général de la préfecture de police. On sait depuis que, devenu préfet de police de ­Paris, Maurice Papon avait donné l’ordre de réprimer la manifestation, avec l’accord du ministre de l’Intérieur, Roger Frey, et du président de la République. « Il s’agit de faire reconnaître la responsabilité de l’État dans un massacre dont le caractère politique est évident », martèle Henri Cukierman. Une exigence qui se heurte aujourd’hui à la frilosité d’Emmanuel Macron à l’œuvre au sujet du massacre du 17 octobre 1961 où au moins 200 Algériens furent tués. Le chef de l’État n’a finalement pas reconnu un « crime d’État », mais « des crimes inexcusables pour la République […] commis sous l’autorité de Maurice Papon ». Lequel n’a jamais été condamné pour ces crimes, mais a reçu le 12 février 1962 les félicitations de Michel Debré, Premier ministre, pour « la façon dont il a su exécuter une mission souvent délicate et difficile ».

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