Le syndicat doit verser 70000 euros de dommages et intérêts et d’indemnités diverses à son DRH.
Article paru dans l’Union le 09 novembre 2021.
LES FAITS
2006 : Marcel Boitel est recruté à un poste de cadre par l’Union régionale interprofessionnelle (URI) de la CFDT Champagne-Ardenne, devenue CFDT Grand Est. Il est responsable des ressources humaines et, par ailleurs, plus connu du grand public en tant que nº1 de la CFDT de la Marne.
À PARTIR DE 2018, il dit avoir été victime de harcèlement de la part du trésorier de la structure, des faits qui auraient été connus du patron de la CFDT Grand Est, Dominique Toussaint.
2019 : En arrêt maladie, puis licencié, il conteste les faits en justice.
2021 : Les Prud’hommes de Reims condamnent l’URI CFDT Grand Est à lui verser 50 000 euros de dommages et intérêts pour « licenciement nul » pour cause de « harcèlement moral ». La CFDT dit avoir fait appel.
Les Prud’hommes viennent de donner raison à l’ex-secrétaire de la CFDT Marne, qui dénonçait les conditions de son licenciement et le harcèlement dont il estimait avoir été victime.
Un employeur condamné à verser plusieurs dizaines de milliers d’euros pour un « licenciement nul » , pour cause de « harcèlement moral » , à l’encontre de son responsable des ressources humaines, ce n’est pas courant. Lorsqu’on sait qu’il s’agit de la CFDT Grand Est, c’est de l’ordre de l’inédit. C’est pourtant la condamnation qu’a infligé le conseil de Prud’hommes de Reims, le 1 er septembre dernier (nous venons seulement de l’apprendre), à l’Union régionale interprofessionnelle (URI) de la CFDT Grand Est.
Dénigrements , critiques systématiques et remarques injurieuses
La confédération s’est rendue coupable, selon les juges, de « comportements caractéristiques du harcèlement moral » , déclinés ainsi : « agissements répétés, dégradation des conditions de travail, atteinte au droit, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à l’avenir professionnel du salarié, puisque Monsieur Marcel Boitel a été placé en arrêt longue maladie à compter de janvier 2019.
Le Marnais Marcel Boitel n’est pas un inconnu, puisqu’il était à cette époque secrétaire de l’Union départementale CFDT de la Marne. En 2006, il avait été embauché en CDI par le syndicat et occupait le poste de responsable des ressources humaines de la confédération champardennaise, puis Grand Est. La bascule s’est opérée fin 2017, puis en 2018, jusqu’à son licenciement un an plus tard. Le DRH a toujours soutenu avoir été harcelé et poussé vers la sortie, en raison des « agissements » du trésorier de la structure, tels que des « dénigrements » , « critiques systématiques » et autres « remarques injurieuses » , connus de Dominique Toussaint, leader de la CFDT régionale, « qui laissait faire ».
Parmi la dizaine de faits examinés à l’audience, les juges ont estimé que quatre étaient des « griefs réels et sérieux » . La plupart du temps, il s’agissait de décisions prises unilatéralement par le trésorier, sans en avertir M. Boitel, alors même que ces décisions portaient sur les prérogatives de ce dernier.
LA DÉGRADATION DES RELATIONS CULMINE AUX VACANCES DE NOËL 2018
Au fil des mois, les relations se sont tendues entre les deux salariés, jusqu’aux injures et propos blessants. Appelé à la rescousse, Dominique Toussaint n’a « pas mis en œuvre des moyens de prévention » qui s’imposaient, selon les Prud’hommes.
Pire, il a « mis en œuvre de façon volontaire et durable des comportements de pression psychologique caractérisant le harcèlement. » La dégradation des relations a culminé aux vacances de Noël 2018 : le 26 décembre, M. Toussaint écrivait à M. Boitel qu’il devait démissionner.
Ce dernier a refusé, avant d’être licencié. Âgé de 55 ans, il s’est vu accorder 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que diverses indemnités (lire par ailleurs). Il réclamait d’autres dommages et intérêts, portant sur plus de 150 000 euros (pour licenciement illicite et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse), mais il a été débouté de ces demandes. Contactée ce lundi, la CFDT Grand Est indique qu’elle a fait appel du jugement.
UNE FACTURE SALÉE POUR LES CAISSES DU SYNDICAT
Pour les caisses de la CFDT, le jugement des Prud’hommes de Reims est tout sauf symbolique. Reconnue coupable, la confédération syndicale doit verser à son ancien secrétaire marnais, d’une part, 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour « licenciement nul pour harcèlement moral » (lire par ailleurs) ; d’autre part, le syndicat doit lui payer près de 11 000 € d’indemnité compensatrice de préavis, quasiment 6 000 € de complément à indemnité de licenciement, 1500 € aux titres de deux autres indemnités, enfin 1 500 € de frais de justice. Soit, au total, 70 000 €. Les juges ont ordonné « l’exécution provisoire, s’agissant des dommages et intérêts ». Autrement dit l’obligation de verser la somme principale dès à présent, même en cas d’appel.