Depuis plusieurs années déjà les conseils de prud’hommes s’opposent à l’application du barème Macron qui plafonne les indemnités du salarié licencié abusivement. NVO Droits encourage les juges à poursuivre l’offensive dans l’attente de la décision à venir de la Cour de cassation que nous commenterons le moment venu.

Depuis 2017, le juge est censé octroyer au salarié licencié injustement des indemnités qui ne peuvent dépasser un certain montant, selon l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise. Cette restriction n’existait pas auparavant : un salarié qui avait deux ans d’ancienneté dans l’entreprise avait droit à un minimum équivalent à 6 mois de salaire ; aujourd’hui, le maximum consenti s’élève à 3,5 mois de salaire.

Mais, les juges font de la résistance. Ainsi, le 1er juillet dernier, le conseil de prud’hommes de Versailles a octroyé 4 mois de salaire à un salarié qui aurait dû se contenter de 3 mois selon le barème. Les conseillers prud’hommes réaffirment ainsi leur pouvoir de décision dans l’attribution des indemnités de licenciement.

Les textes internationaux mis en avant

La Constitution française (article 55) autorise un juge à écarter une loi française si celle-ci est contraire à un texte international ratifié. Ce dernier a une valeur supérieure à la première.

Les juges ont alors recherché les textes internationaux entrant en contradiction avec le plafonnement des indemnités. Trois textes sortent du lot et deviennent des outils efficaces :

* le Pacte international relatif aux droits civils et politiques : il interdit toute forme de discrimination en matière d’indemnisation des salariés licenciés abusivement. Ainsi, le barème Macron qui créé une disparité indemnitaire selon la taille de l’entreprise ne doit pas s’appliquer ;

* la Convention no 158 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) : il préconise qu’en cas de licenciement abusif, les juges ordonnent de verser une indemnité adéquate ou de prévoir une réparation appropriée. Cette approche est contraire à l’idée d’un plafond. C’est exactement ce que rappelle le conseil de prud’hommes de Pau, le 28 juillet dernier, en jugeant que le barème Macron ne lui permettait pas d’apprécier la situation concrète du salarié et de réparer « justement » son préjudice ;

* la Charte Sociale Européenne : elle insiste sur l’exercice effectif des lois internes. Ainsi, si une loi n’a aucun effet sur celui qu’elle condamne, en l’occurrence l’employeur, elle n’a pas d’intérêt. L’indemnité pour licenciement abusif doit rester une sanction pour l’employeur. Or, le plafond lui permet au contraire de budgéter les licenciements futurs. Le texte perd ainsi toute efficacité.

Une juste réparation du préjudice

En imposant un plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le barème Macron ne permet pas d’apprécier les situations individuelles des salariés et de réparer le préjudice réellement subi.

De nombreux jugements réaffirment la nécessaire prise en compte des situations individuelles des salariés :

  • Le 28 juin 2021, le CPH des Sables d’Olonne met en évidence les difficultés du salarié à se réinsérer professionnellement, la perte de salaire, les charges de famille ;
  • Le 1er juillet 2021, le CPH de Versailles met en avant l’absence de faute antérieure, les manquements de l’employeur, la précarité du salarié, les enfants à charge, et les conditions vexatoires de son licenciement ;
  • À Pau, le 28 juillet, le CPH considère l’âge, l’ancienneté, la privation d’emploi, le prêt immobilier, la pension alimentaire, et les répercussions sur la retraite du salarié comme des éléments à prendre en compte.

Une réalité en demi-teinte

S’il est vrai que les conseillers prud’hommes écartent régulièrement le barème Macron pour les raisons évoquées, les indemnités qu’ils octroient in fine dépassent en réalité de peu le plafond fixé.

Un jugement en date du 12 juillet du CPH de Clermont-Ferrand surprend d’ailleurs sur ce point. Après avoir détaillé un argumentaire efficace contre le barème Macron en invoquant les textes internationaux, les sommes finalement allouées au salarié sont celles que fixent le barème.

Les juges manquent peut-être parfois d’audace dans l’attribution des sommes allouées. Pour autant, la volonté de Macron de « sécuriser » les employeurs qui licencient abusivement se solde, à ce jour, par un échec. C’est une première bataille gagnée pour les salariés.

La décision de la Cour de cassation sur le sujet est très attendue depuis quelques mois. L’échéance approche. Néanmoins, dans cette attente, le combat doit se poursuivre dans les conseils de prud’hommes.

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