Autour d’Alexandre Arnault (au centre), Jean-Jacques Guiony (en h. à g.), Laurent Boillot (en b. à g.), Chantal Gaemperle (en h. à dr.) et Stéphane Rinderknech (en b. à dr.). © Stéphanie Lecocq/Reuters//Vincent Isore/IP3 Press/MaxPPP//Philippe Montigny/Abaca/Reuters//Vincent Isore/IP3 Press/MaxPPP//Stringer/Reuters

Par l’Intersyndicat CGT du champagne

📅 Publié le 06 janvier 202

 Temps de lecture 3 mn

Les coulisses du grand mercato chez LVMH

Selon Sophie Lecluse, journaliste pour L.L. (La Lettre, rubrique luxe et consommation) paru le 18 novembre 2024, le géant du luxe LVMH connaît depuis plusieurs mois un bouleversement de son organigramme digne des plus grandes sagas familiales et économiques. Rivalités fraternelles, ambitions personnelles et réorganisations internes rythment les jours de Bernard Arnault et de ses proches collaborateurs. La journaliste lève le voile sur ce véritable « mercato » où les enjeux économiques et humains s’entrelacent.

Alexandre Arnault : retour en France et ambitions affichées

Après plusieurs années passées à naviguer entre New York et Paris, Alexandre Arnault, fils aîné du second mariage de Bernard Arnault avec Hélène Mercier, revient en France avec un poste stratégique. Désormais nommé « Deputy CEO » (PDG Adjoint) de la branche vins et spiritueux Moët Hennessy, il s’agit pour lui d’une opportunité de se repositionner au sein du groupe familial. Cette nomination marque également une reconnaissance après de longs mois de démarches auprès de son père, appuyées par sa mère.

Avec 17 maisons de champagnes, vins et cognacs, Moët Hennessy représente une sorte de « mini-LVMH » où Alexandre pourra mettre à profit ses compétences en marketing développées lors de ses expériences précédentes, notamment chez Rimowa et Tiffany & Co.

Cependant, cette filiale exige également une maîtrise des enjeux commerciaux complexes, allant de la gestion des relations avec les producteurs locaux à celle des syndicats et des élus régionaux, en Champagne et en Charente.

Une rivalité entre frères exacerbée

La nomination d’Alexandre Arnault n’est pas sans conséquences sur l’équilibre familial. Frédéric Arnault, son frère cadet, a lui aussi tenté d’obtenir la direction de la marque « Celine », mais a essuyé un refus de la part de leur père. Ce dernier semble avoir voulu maintenir un semblant de méritocratie en freinant leurs ambitions respectives.

Frédéric, actuellement à la tête de la division horlogerie, voit ses propres résultats marqués par des contre-performances notables, avec des ventes en chute libre de plus de 20 %. Cette situation renforce la perception d’un traitement différencié entre les deux frères, alimentant une compétition feutrée mais bien réelle au sein du clan Arnault.

Le mercato : un jeu d’influences et de pouvoirs

Ce mercato interne a également des répercussions pour d’autres figures emblématiques du groupe. Jean-Jacques Guiony, fidèle lieutenant de Bernard Arnault depuis vingt ans, accède enfin au poste de PDG de Moët Hennessy, rôle qu’il convoitait depuis longtemps. Cependant, il est clair que sa mission inclura un « chaperonnage » étroit d’Alexandre Arnault, au moins pour les deux premières années.

Pendant ce temps, d’autres cadres dirigeants, comme Laurent Boillot, ancien directeur de Hennessy, et Chantal Gaemperle, ex-DRH du groupe, ont vu leur carrière brusquement redéfinie. L’éviction de Gaemperle, accusée de présumés détournement de biens de l’entreprise, a provoqué un véritable séisme en interne.

LVMH, le « PSG » du luxe

Si Bernard Arnault dirige son groupe avec la minutie d’un chef d’orchestre, ses récentes manœuvres rappellent davantage celles d’un entraîneur de football en pleine période de transferts. Alexandre serait-il l’attaquant star, positionné en Champagne pour marquer des points, tandis que Frédéric attend son heure sur le banc des remplaçants de l’horlogerie ? Quant à Jean-Jacques Guiony, il semble jouer le rôle du capitaine d’équipe, expérimenté et fiable, prêt à transmettre son savoir aux jeunes recrues.

Ce « mercato » chez LVMH illustre, encore une fois, les tensions entre ambitions familiales et enjeux sociaux dans un géant économique où les décisions prises au sommet peuvent avoir des répercussions majeures sur les filiales du groupe de luxe et par effet domino sur les salariés.

Conséquences sur la branche « vins et spiritueux » : des enjeux à surveiller

L’arrivée d’Alexandre Arnault à la tête de Moët Hennessy soulève des questions pour les acteurs locaux, notamment les producteurs et les syndicats en Champagne. Les réorganisations stratégiques du groupe pourraient avoir des répercussions sur l’emploi, les partenariats et les négociations salariales. Les acteurs syndicaux, et notamment la CGT, devront rester vigilants face à une direction qui privilégie souvent les profits au détriment des travailleurs.

Source : Les coulisses du grand mercato chez LVMH / La lettre 18/12/2024