Si l’année 2021 fut indiscutablement l’année de tous les records pour le champagne avec un chiffre d’affaires de plus de 5,5 milliards, le bilan social, lui, est plutôt mitigé. En effet, si dans la plupart des maisons de champagne (même GH Martel) les salariés ont obtenu en N.A.O. des avancées sociales, intrinsèquement correctes au regard des années précédentes, elles sont toutefois loin d’être corrélées aux résultats fantastiques de la branche. On est donc très loin du « changement de société » attendu par le plus grand nombre et qui ne se fera qu’au prix d’une cessation de la confiscation des richesses par les rentiers qui possèdent déjà tout. Il semblerait donc que les robinets du ruissellement soient restés fermés.
Incontestablement, les salariés de la maison Burtin, filiale du groupe Lanson BCC, compteront parmi les enfants pauvres de la Champagne en n’ayant rien obtenu, ou presque, en N.A.O., et ce, pour la énième année, si ce n’est une augmentation générale, conventionnelle très en deçà de l’inflation galopante. Pourtant leur actionnaire principal, se comparant alors à d’autres propriétaires de grands groupes qui au demeurant ne jouent pas tout à fait dans la même cour, se targuait de diriger un groupe purement champenois et jouait la proximité avec ses salariés en expliquant, que lui, croisait encore ses ouvriers lorsqu’il faisait ses courses. Mais il ne dit rien de l’amertume, de la colère et du dégoût que ressentent ses ouvriers quand ces derniers le voient se pavaner dans ses voitures de collection ou de sport. Il est probable cependant qu’il n’en ait même pas conscience, tant il trouve normal de faire ostensiblement étalage de sa richesse devant ces ouvriers du peuple à qui il ne donne rien. Il vrai que ce monsieur compte parmi ceux qui revêtent une cape pour célébrer une monarchie que la Révolution française de 1789 avait pourtant confinée aux manuels d’histoire.
L’une des raisons invoquées pour ne rien concéder aux salariés est qu’il fallait d’ abord, selon ce même monsieur, récompenser les actionnaires, et donc lui-même, pour leur patience ! En effet, pour l’année 2020 et conformément aux directives de gouvernement, les actionnaires avaient renoncé à leurs dividendes pour pouvoir bénéficier des aides de l’Etat. Mais peut-être fallait-il aussi les dédommager de la honte. Car nul doute que ces actionnaires appartiennent à une classe de gens qui fustigent la solidarité en la nommant « assistanat » ! Or, en quémandant des aides de l’Etat, ils devenaient à leur tour des « assistés ». Néanmoins, le dispositif de l’Etat prévoyait un renoncement aux dividendes et non un « paiement différé ». Ces aides, financées par le contribuable, n’avaient à priori pas vocation à remplir les poches des actionnaires, mais à financer le chômage partiel ou total des salariés qui y perdaient plus de 15 % de leurs salaires !
Une vidéo qui circulait l’année dernière sur internet (https://www.youtube.com/watch?v=__-1DCVj3Iw) et que nous avions partagé sur notre site CGT CHAMPAGNE, montrait les cadres dirigeants du groupe Lanson BCC suivant une formation de management. On y voyait des cadres hébétés invités à jouer avec des élastiques qu’ils tendaient et détendaient entre leurs mains pour simuler les tensions dans l’entreprise pendant que la formatrice exécutait une roue parfaite digne d’une championne de gymnastique. Si la scène est affligeante, consternante, elle offre cependant une explication plausible à la politique antisociale de la maison Burtin. Ainsi, les cadres de Lanson BCC fraîchement diplômés en élasticologie emploieraient leurs nouvelles compétences à entretenir des tensions aux seins de leurs entreprises. Dans quel but ? Difficile à dire… Dans cette même vidéo, la formatrice explique qu’il faut générer chez les salariés un sentiment de gratitude. À la fin de la vidéo, un cadre commentant cette séquence ira même jusqu’à dire que la gratitude manque cruellement aujourd’hui. On croit rêver ! De la gratitude pour qui ? Pour quoi ? Rappelons à ce monsieur que le contrat de travail consiste en un échange de bon procédé (une force de travail contre un salaire) qui ne laisse aucune place à la gratitude. Mais est-il en mesure de le comprendre ? On peut en douter lorsque l’on regarde la séquence finale de la formation où l’on voit des cadres infantilisés qui frappent dans leurs mains au-dessus de leurs têtes, pour ceux dont les dispositions physiques le permettent, pour se motiver, semble-t-il, à se complaire dans leur suffisance.
Aux tarifs de ce genre de séminaire d’aucun dirait qu’une formation en gestion ou en stratégie commerciale aurait été plus judicieuse qu’une formation en psychologie de comptoir pour des cadres dirigeants d’entreprises en situations, pour le moins, périlleuses. Car, que penser d’une stratégie commerciale qui consiste à faire d’un vin réputé de luxe un vulgaire produit de tête de gondole condamné à voir son étiquette perpétuellement masquée par un autocollant fluo de promotion ?
Ainsi, en n’obtenant rien en N.A.O., les salariés de chez Burtin paient les errements de leurs dirigeants et la cupidité de leurs actionnaires. Leurs luttes risquent d’être nombreuses encore et nous les soutiendrons. Parce qu’il n’est de plus longs combats que ceux que l’on mène contre la bêtise, tant celle-ci est inépuisable !
Reims, le 12 septembre 2022
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