“Face à la complexité du recrutement direct, la faible disponibilité de la main-d’œuvre locale et la réactivité nécessaire pour la récolte, la prestation de services est incontournable pour la réalisation de la vendange” pointe le CIVC. – crédit photo : Adobe Stock (Coco)

OPÉRATION MAINS PROPRES

Les logements indécents de saisonniers et les réseaux de traite d’êtres humains qui sont démantelés cette vendange 2023 alertent sur des pratiques inhumaines de prestataires de services peu scrupuleux et interpellent sur le laisser-faire de vignerons peu curieux. Le point en Champagne et à Bordeaux.

Par Alexandre Abellan. Le 17 octobre 2023

Sordide décompte : « quatre hébergements insalubres ont fait l’objet de fermetures administratives » et les « décès de cinq vendangeurs » ont frappé le millésime 2023 rappelle le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC). Tenant son bureau exécutif ce lundi 16 octobre, l’interprofession champenoise annonce « l’absolue nécessité de mobiliser tous les acteurs pour mieux encadrer cette période cruciale » de récolte avec la mise en place d’« un groupe restreint de professionnels pour préparer des mesures concrètes qui permettront de répondre à l’urgence et de traiter les problématiques de fond ».

Soit la tenue d’Assises de l’hébergement des vendangeurs en Champagne avec les services publics pour « accroître les capacités d’hébergement » décent des 120 000 saisonniers mobilisés, la publication d’« un guide d’accompagnement de l’hébergement des vendangeurs » pour les 17 000 employeurs champenois, « la diffusion des mesures de prévention et de sécurité auprès des professionnels [avec] l’organisation du travail en partant de l’évaluation des risques » avec le soutien des syndicats et la rédaction d’une Charte de prestataires de services en Champagne « qui permettra de tenir à la disposition des Champenois un annuaire des prestataires engagés » pour « proposer une offre de prestation de services sécurisée sur le plan social ».

S’étant dotée d’une charte pour ses prestataires en 2022, le département de la Gironde n’évite pas une nouvelle affaire de réseau de traite d’êtres humains à base de mauvaises conditions de travail, de rémunération et de logement à Saint-Émilion. « Vous dire que je suis surpris qu’il y ait des gens qui ne font pas comme il faut serait mentir. Mais vous dire que je suis dégoûté et abattu que telles personnes viennent nous couper l’herbes sous le pied avec des pratiques inhumaines alors que nous investissons dans ces métiers est exact » soupire Benjamin Banton, à la tête du prestataire viticole Banton & Lauret et président des Entrepreneurs des territoires de Gironde, qui est l’un des instigateurs de la charte des bonnes pratiques bordelaises.

Se disant « abasourdi que des gens puissent faire ça en 2023 », Benjamin Banton ne se fait pas d’illusion : « tout le monde doit prendre sa responsabilité. On ne peut pas se cacher derrière un “on ne savait pas”. C’est à nous, responsables d’entreprises et de domaines viticoles de prendre nos garanties en prenant les informations et en vérifiant » les conditions d’emploi et de logement. Se disant « attristé que les vignerons se voilent la face » en ne cherchant pas à comprendre les conséquences des bas prix proposés par des prestataires sans scrupule, Benjamin Banton appelle à prendre le taureau par les cornes, quitte à réguler et sanctionner : « visiblement, nous ne sommes pas capables en tant que filière de nous réguler nous-mêmes sous couvert du pas vu pas pris. Alors que l’on parle de traite d’êtres humains, c’est honteux ! »