Les Uber-files mouillent Macron

Les contacts réguliers qu’aurait noués en 2015 la plateforme américaine avec le ministre de l’Économie lui auraient permis de modifier la législation pour implanter son service de VTC en France. C’est ce que révèlent des documents internes analysés par le Consortium international de journalistes d’investigation.

On connaissait son goût pour la «disruption» depuis sa participation, en tant que gérant au sein de Rothschild & Cie, à la commission Attali «pour la libération de la croissance française». Emmanuel Macron n’a pas attendu son accession à la présidence de la République pour se faire le héraut de la «start-up nation».

Se fondant sur des milliers de documents internes d’Uber datant de 2013 à 2017, une enquête de l’ICIJ, consortium international de journalistes d’investigation, dont font partie Le Monde et la cellule d’investigation de Radio France, révèle «comment Emmanuel Macron s’est impliqué lors de l’arrivée du géant du VTC en France». Une implication en plusieurs étapes.

Pour la CGT, il faut « Désubériser le travail, reprendre son contrôle » : pour en finir une bonne foi pour toute avec le dumping social !

L’ubérisation remet en cause le salariat comme norme. Les prestataires effectuent des « missions », ils sont rémunérés à la tâche. On parle de « revenu », de « chiffre d’affaires » et non plus de « salaire ».

Les prestataires sont enregistrés sous le statut de l’auto-entrepreneur (ou micro-entrepreneur). Ce statut créé en 2008 propose un régime simplifié de l’entreprise individuelle.

Pour bénéficier du régime d’auto-entrepreneur, un plafond de chiffre d’affaires est fixé à 170 000 euros pour l’achat-vente et à 70 000 pour la prestation de services. De fait, la moitié des inscrits sous ce statut ne déclare aucun chiffre d’affaires, et seulement 5% parviennent à dégager 5 000 euros par trimestre selon l’Insee.

Si le travail indépendant permet davantage de liberté dans l’organisation de son temps de travail, il est aussi vecteur d’incertitudes et d’insécurité. La précarisation des indépendants « ubérisés », qui ne bénéficient pas des protections liées au statut de salarié, est régulièrement dénoncée. La loi Travail du 8 août 2016 a introduit l’obligation pour les plateformes de prendre en charge une partie de la protection sociale des indépendants qui leur sont affiliés.

La CGT dénonce également un « salariat déguisé » qui accentuerait la sous-traitance et serait un moyen pour les entreprises de se libérer des charges patronales en employant de la main d’œuvre bon marché. 

Pourtant, notre président assume totalement les faits qui lui sont reprochés affirmant que c’est pour doter la création d’emplois. Or, il ne s’agit pas ici de création d’emplois, mais de statuts d’au-entrepreneurs qui doivent travailler parfois plus de 70 heures par semaine pour un revenu atteignant à peine le SMIC…

Assurément, notre président a une conception très néo-libérale de la régulation du marché du travail. Cela n’est pas de bon augure pour les prochaines réformes du droit du travail qu’il tentera de faire mettre en œuvre via son bras armé, Élisabeth Borne, au cours de son quinquennat…