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Face à la réalité insoutenable des morts au travail, la CGT refuse le fatalisme et exige du gouvernement des actes forts pour endiguer cette hécatombe. C’est ce qu’a rappelé la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet invitée de l’émission Cash investigation diffusée le 25 janvier 2024 et consacrée à la santé au travail.
En France, il y a en moyenne chaque jour 3 morts et 2 500 accidents du travail
Depuis 2010, le nombre d’accidents mortels au travail n’a cessé de croître pour passer de 537 à 790 en 2019. Selon les chiffres publiés par Eurostat en 2022, notre pays se traîne à l’avant-dernière place des pays européens pour l’insécurité au travail avec 3,53 morts, pour 100 000 travailleur.euses, tous secteurs confondus.
Pas de fatalité : la CGT exige des mesures fortes de la part du gouvernement
À l’occasion d’une table ronde organisée par la CGT le 23 janvier 2024 dans le cadre de la projection du film « Perdre sa vie à la gagner », Sophie Binet a tenu à préciser qu’il ne fallait pas considérer les violences au travail comme un fait divers.
Pour la CGT il s’agit de violence patronale dans le but de faire un maximum de profits au détriment de la mise en place de mesures de prévention qu’ils estiment trop coûteuses.
Ces morts au travail ne sont pas là par hasard, c’est organisé par les patrons qui ne veulent pas payer pour permettre de bien travailler, pour avoir des mesures de préventions, limiter la sous-traitance et la précarité.
Si cette mortalité est révoltante, c’est parce qu’il n’y a pas de fatalité, on sait comment l’éviter.
Concernant la prévention, de l’aveu même du conseiller technique de l’ancienne première ministre Elisabeth Borne, « les entreprises ont des outils pour la prévention, mais peu les utilisent, seulement 40 % des entreprises ont des DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels) alors que c’est obligatoire« . (Source : entretien à Matignon du 23/05/2023 avec le « collectif familles : stop à la mort au travail«
Pour la CGT, il faut se battre contre l’idée reçue, selon laquelle il y a des métiers à risques. Aucune fatalité, il faut créer les conditions d’une meilleure sécurité au travail et pour cela il faut de la volonté politique.
Depuis plusieurs années, la CGT déplore la suppression par Emmanuel Macron des Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui pouvaient intervenir directement sur les chaînes de production. Cette suppression a été une vraie catastrophe avec des conséquences lourdes, c’est pourquoi la CGT demande leur rétablissement.
Combattre l’impunité et l’irresponsabilité organisée
Un meilleur contrôle des entreprises par les Carsat (caisses d’assurance retraite et de la santé au travail) permettrait de lutter contre la sous-déclaration et d’agir sur les situations dangereuses.
Par ailleurs, la petite sinistralité cachée par les employeurs aboutit à une sinistralité tragique et à des morts au travail. Il serait aussi nécessaire d’organiser une traçabilité des expositions professionnelles tout au long de la carrière.
La sécurité sociale doit avoir les moyens, par sa branche ATMP (Accidents du Travail et Maladies Professionnelles) de mener une politique de prévention efficace. La médecine du travail doit y être intégrée pour obtenir un service public de santé au travail à la main des salariés. Aussi, la CGT alerte sur la médecine du travail qui n’est pas assez protégée des pressions du patronat et dont la formation des médecins en santé au travail n’est pas suffisante.
Les propositions de la CGT pour endiguer cette hécatombe
- Prise en compte obligatoire du mieux disant social dans les appels d’offres, publics et privés
- Interdiction de la sous-traitance à plus de deux niveaux et de la sous-traitance de capacité
- Limiter le recours à l’intérim et aux salariés détachés (en fonction d’un pourcentage maximum du chiffre d’affaires du chantier) pour mettre fin à la précarité
- Doubler les effectifs moyens interministériels pour contrôler et lutter contre le travail non déclaré, améliorer les conditions de travail de l’Inspection du travail et des services de prévention, et créer un service d’assistance psychologique, administrative et juridique pour les familles des victimes.
- La création d’un Observatoire national des accidents au travail, sur le modèle de l’observatoire des accidents et morts au travail à Paris.
- Le rétablissement des Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)