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Le Prosecco, vin blanc pétillant italien, connaît un succès foudroyant. Rançon du succès : un impact environnemental de plus en plus fort, de quoi entraîner des contestations croissantes de l’autre côté des Alpes.
« On prend quoi pour l’apéro ? » A cette question classique de l’été, la réponse est de plus en plus souvent… un Prosecco. Il se vend désormais près de 630 millions de bouteilles de ce vin blanc italien chaque année, contre 140 millions en 2010-2011. Sur la même période, les surfaces dédiées au glera, le cépage à l’origine du produit, ont été multipliées quasiment par trois. Un succès économique qui s’accompagne de lourds problèmes écologiques, souligne le média italien Altrɘconomia dans une analyse publiée sur son site Internet.
Un succès inattendu
Le succès impressionnant du Prosecco, produit dans le nord-est de l’Italie, a surpris tout le monde. Si la première bouteille « moderne » semble avoir été produite dès 1924, rappelle le chercheur Stefano Ponte dans un article, les ventes mondiales commencent à décoller au début des années 2000. Et personne n’arrive véritablement à en expliquer les raisons.
Certains avancent le goût des jeunes de la génération 2000 en faveur des vins pétillants et avec moins d’alcool.
D’autres rappellent son prix, relativement faible, surtout face au champagne. Des producteurs mettent en avant l’importance des campagnes marketing menées au Royaume-Uni, gros importateur, mais il n’y en a pas eu en France, en Allemagne, ou aux Etats-Unis, alors que ces trois marchés en sont eux aussi friands. Le succès du spritz n’y est pour rien, celui-ci étant souvent préparé avec des vins pétillants moins coûteux.
Deux regroupements professionnels tentent en tout cas de surfer sur la vague. Le premier compte environ 11 500 viticulteurs et près de 1 200 producteurs, tandis que le second, consacré au haut de gamme, rassemble près de 1 800 viticulteurs et plus de 260 producteurs, dans une industrie largement fragmentée.
Dégâts écologiques
Ce succès des ventes s’est accompagné d’une augmentation des quantités produites, avec des conséquences écologiques importantes : érosion des sols, déforestation, remplacement des cultures vivrières et impacts néfastes sur la santé des populations liés à une utilisation intensive de l’épandage de pesticides, comme le détaille Stefano Ponte.
Altrɘconomia cite aussi les conclusions de Marcos Orellana, professeur de droit environnemental à l’université de George Washington et rapporteur spécial des Nations unies, qui a visité la région productrice fin 2021.
« Je suis inquiet de l’augmentation significative du volume des pesticides utilisés en Vénétie, en particulier dans les zones où le vin Prosecco est cultivé. La zone est l’une des plus grosses consommatrices de pesticides
Cette situation fait l’objet d’une contestation croissante, pas de la part des consommateurs mais des communautés locales, dont les populations sont les premières victimes.
L’industrie tente de développer des standards de qualité environnementale, « mais en ce qui concerne l’intervention dans les champs, on en est encore au début », conclut Stefano Ponte. A l’heure de l’apéro, consommons le Prosecco (et les autres) avec modération !