Sophie Binet Secrétaire générale de la CGT

A l’heure du bilan du conflit sur la réforme des retraites, la nouvelle secrétaire générale de la CGT ne verse pas dans les lendemains amers. Préoccupée par les nombreux passages en force de l’exécutif qui renforcent toujours plus le Rassemblement national, Sophie Binet tire les leçons de ce qui a manqué pour décrocher la victoire.

Mais elle s’appuie aussi sur les acquis de ce mouvement unitaire pour construire de nouvelles revendications communes et une nouvelle forme d’opposition. Il y a un avant et un après réforme des retraites et les « acteurs » sociaux, terme qu’elle préfère à « partenaires », ne seront plus les mêmes. Ils sortent, à ses yeux, plus forts de ces longs mois de bataille.

A la tête d’une organisation fracturée qu’elle entend rassembler, la patronne de la centrale de Montreuil livre sa vision de ce que sera la stratégie offensive de la CGT sur le terrain des salaires, de l’égalité hommes-femmes mais aussi de la transition écologique.

Le conflit des retraites s’achève, au moins dans sa forme initiale. Comment se fait-il qu’une mobilisation aussi massive, aussi unitaire, n’ait pas réussi à faire échouer le projet du gouvernement ?

Sophie Binet : C’est d’abord le résultat d’une radicalisation du pouvoir. Avec un autre président de la République, dans un autre pays, on aurait gagné. C’est important de le rappeler parce qu’il n’y a pas beaucoup de pays démocratiques où une constitution comme celle de la Ve République confie autant de pouvoirs à l’exécutif. Elle permet de le sécuriser dans toute situation.

A chaque fois que l’intersyndicale a cherché à ouvrir des portes de sortie de crise, le président de la République les a évitées, qu’il s’agisse d’être reçus par lui ou de permettre à l’Assemblée nationale d’aller au vote. Son postulat était de faire un deal avec Les Républicains, mais cela a fini avec le 49-3.

Bien sûr, en 2010, Nicolas Sarkozy était aussi passé en force face au puissant mouvement social, mais au moins disposait-il d’une majorité, et il l’a payé en perdant la présidentielle suivante ! La différence, c’est qu’Emmanuel Macron n’a pas de majorité. Il s’appuie avec morgue sur la tripartition de la vie politique française avec un Rassemblement national à un niveau élevé. Il lui fait la courte échelle, parce qu’il sait que cela complique l’émergence d’une alternative politique. C’est un calcul cynique. Mais on ne peut que constater à quel point le RN sert les intérêts d’Emmanuel Macron.

Le syndicalisme et le RN semblent être les deux seules forces organisées qui progressent aujourd’hui. Cela signifie-t-il qu’entre vous et le RN il n’y a plus rien ?

S. B. C’est vrai que c’est inquiétant pour nous. Mais c’est encore une fois le résultat de la politique d’Emmanuel Macron. Pour lui, la fin justifie les moyens. Il nous piétine parce que nous sommes l’un des derniers barrages face au RN.

L’argument du RN est de dire « On a tout essayé : la droite, la gauche, et ça n’a pas marché donc essayez-moi ». A cause d’Emmanuel Macron, l’extrême droite peut dire : « vous avez vu les organisations syndicales ? Ce n’est pas plus efficace que les partis politiques. »

Or « on n’a pas tout essayé » avec le syndicalisme, parce qu’on n’est pas encore assez nombreux. Mais ce sont les organisations syndicales qu’il faut faire progresser pour que le prochain rapport de force soit gagnant.

En ce qui concerne le non-vote de la réforme des retraites à l’Assemblée, c’est quand même LFI, qui, ignorant la demande intersyndicale, a fait en sorte qu’il n‘y ait pas de vote en mars sur l’article 7 sur les 64 ans…

S. B. Certes, des choses auraient pu être mieux faites. Mais pour moi, c’est un épiphénomène puisqu’au final c’est l’utilisation la constitution par Emmanuel Macron qui empêche l’expression démocratique. Car même si un vote négatif avait eu lieu sur l’article 7, il avait prévu d’utiliser l’article 49-3, qui permet au gouvernement d’imposer sa rédaction de la loi.

Comment réagissez-vous à ce qui s’est passé jeudi à l’Assemblée : l’abandon par le groupe LIOT de sa proposition de loi, vidée de toute substance ?

S. B. Lorsqu’un pouvoir est minoritaire dans l’opinion ou dans le pays, le dernier repli, c’est l’autoritarisme. C’est encore une fois la marque de la radicalisation du pouvoir qui franchit toutes les lignes rouges démocratiques : vis-à-vis du Parlement et aussi vis-à-vis de la mobilisation, puisque la répression s’est durcie avec des atteintes aux libertés extrêmement graves par l’utilisation des lois antiterroristes pour interdire les rassemblements, les casserolades et limiter les libertés. Des centaines de militants sont poursuivies devant la justice, certains ont fait 24h, 48h, 72h de garde à vue !

C’est un précédent inquiétant. Parce qu‘un gouvernement d’extrême droite arrivant au pouvoir aura beau jeu de dire que tout cela n’est pas inédit.

Puisque vous vous êtes heurtés à un pouvoir aussi intransigeant, n’aurait-il pas fallu « cogner plus fort » ? Par exemple, certains demandaient à l’intersyndicale de déclencher une grève générale…

S. B. La CGT a appelé à la grève reconductible après le 7 mars. Un certain nombre de professions l’ont fait, notamment dans l’énergie, les transports, les dockers, les raffineries, les déchets… Le problème est qu’on n’a pas réussi à les étendre.

C’est là-dessus qu’on doit s’interroger. Cela a fait partie des désaccords que nous avons eus dans l’intersyndicale. Mais je pense qu’on a eu raison de préserver l’unité. En cassant le cadre intersyndical parce que la CGT ne voulait pas transiger sur la grève reconductible, nous serions restés tout seuls et on aurait perdu plus que ce qu’on aurait gagné.

Pourquoi selon vous beaucoup de professions n’ont pas embrayé sur la grève ?

S. B. Les grèves reconductibles importantes ont eu lieu là où les taux de syndicalisation sont importants. Après, il y a quand même des secteurs fortement syndiqués qui ont manqué, notamment dans la fonction publique. Je pense que les fonctionnaires, qui étaient nombreux lors des temps forts de la mobilisation, vont très mal. Non seulement ils sont mal payés, mais leur travail perd de son sens. Ils sont soumis à une maltraitance institutionnelle, avec des problèmes managériaux très préoccupants.

Quelles leçons en tirez-vous à la CGT ?

S. B. Il nous faut maintenant analyser le niveau d’implantation des organisations syndicales, notamment dans le privé, ainsi que les transformations du salariat. Il est désormais composé à 50 % de cadres, de techniciens, de professions intermédiaires qui n’ont pas le même rapport à la grève.

Dans l’énergie, nous avons des syndicats spécifiques ingénieurs, CAP, techniciens sur la majorité des sites qui permettent les mobilisations. Idem chez les cheminots où nous avons le taux d’organisation spécifique aux cadres et aux techniciens le plus élevé. Mais ce n’est pas le cas partout.

Et puis, de l’autre côté, nous sommes confrontés à la précarisation de l’exécution. Dans la métallurgie, sur nombre de lignes de production, on trouve 20 à 40 % d’intérimaires. Même chose dans l’agroalimentaire. Il nous faut déployer des stratégies qui leur permettent de dépasser la pression de la précarité. Et puis le dernier frein objectif à l’extension de la grève, c’est la réorganisation très importante de l’appareil productif par le patronat, avec le recours à la sous-traitance.

Dans les semaines et les mois qui viennent, il va y avoir des rencontres, peut-être des négociations. Olivier Dussopt, ministre du Travail, fait appel à vous…

S. B. Après nous avoir craché dessus pendant six mois !

… Sur quelle revendication pensez-vous, à la CGT et à l’intersyndicale, pouvoir obtenir des concessions significatives ? Les salaires, le travail des seniors ?

S. B. L’intersyndicale a rendu publique une première plate-forme revendicative, ce qui était très important pour la CGT, parce qu’on ne reviendra pas au point zéro. Gouvernement et patronat vont devoir compter avec des syndicats beaucoup plus combatifs. Nous ne sommes plus les mêmes qu’en 2022. Les contacts ne se perdront pas et un front commun restera uni sur un certain nombre de revendications. C’est fini les discussions pour amender les virgules d’une feuille de route gouvernementale ou patronale. Nous voulons négocier sur la base de nos revendications.

Et d’ailleurs, cela s’est ressenti dans les récentes négociations qui ont abouti pendant le conflit. Une majorité d’organisations syndicales (FO, CGC, CGT) n’ont pas signé l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la transition écologique et le dialogue social. Le sujet est trop important pour que ce soit seulement du blabla. Dans un autre contexte, tout le monde l’aurait sans doute signé, sauf la CGT. C’est un changement de ton.

A l’inverse, nous avons tous signé l’ANI sur la branche accident du travail-maladies professionnelles (AT-MP) parce que c’est un domaine sur lequel on pense qu’il est indispensable de négocier. La France a le record de 1 500 accidents de travail par jour. Nous avons réussi à faire converger un certain nombre de nos revendications.

Mais vous êtes les seuls à n’avoir pas signé l’ANI sur le partage de la valeur ?

S. B. Nous considérons qu’on ne peut pas parler de partage de la valeur si on ne parle pas salaires. Or, l’ANI ne contient aucune disposition opérante sur les salaires. Et puis il y avait des provocations, dans le préambule de l’accord, notamment l’affirmation selon laquelle il n’y a pas de déformation du partage de la valeur entre capital et travail ! Certes, depuis dix ans, il n’y a pas de déformation. Mais depuis 40 ans, il y en a eu une grande ! Le point intéressant est que toutes les organisations syndicales sont unanimes pour dire que cet accord ne suffit pas à régler la question salariale et qu’il va falloir en parler.

Mais exiger de négocier à partir de vos revendications ne nécessite-t-il pas de définir des mesures concrètes ? Par exemple, faut-il demander l’établissement d’une forme d’échelle mobile pour que les salaires augmentent en fonction de l’inflation ? Pour le moment, ce n’est pas dans le communiqué de l’intersyndicale.

S. B. Cette proposition d’échelle mobile est portée par une majorité, mais pas par toutes les organisations syndicales. Je ne désespère pas de convaincre mes homologues sur le caractère indispensable de cette mesure du fait du retour durable de l’inflation et donc du décrochage des salaires.

En revanche, sur les salaires, on considère tous qu’il y a un problème de dynamique de négociation dans les entreprises et dans les branches, que les minima conventionnels inférieurs au Smic sont une catastrophe parce qu’ils cassent toutes les références et qu’il n’est plus possible de donner chaque année près de 200 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises sans contrepartie. Il faut les conditionner, cela fait partie des leviers pour dynamiser la négociation salariale.

Existe-t-il d’autres thèmes sur lesquels vous êtes tous d’accord ?

S. B. Oui, sur la nécessité de réviser les ordonnances travail [NDLR : promulguées en 2017, elles suppriment les CE et les CHSCT réunis dans une instance unique, le CSE]. Nous avons des positions communes sur la représentation du personnel, les heures de travail, et sur la barémisation des licenciements abusifs ou les libertés syndicales.

Et concernant l’égalité femmes-hommes ?

S. B. L’index de l’égalité salariale est un enfumage complet qui joue contre les femmes. Tous les syndicats convergent sur ce point et ont des propositions très précises pour le corriger. Il a des biais tellement grossiers qu’il suffit d’agir sur quatre ou cinq leviers pour qu’il soit beaucoup plus efficace. De plus, il va falloir transposer dans le droit français la directive européenne sur la transparence salariale. Elle va exiger de revoir les dispositifs sur l’égalité salariale et professionnelle.

Le gouvernement espère que les syndicats négocieront avec le patronat pour remplacer « l’index senior », censuré par le Conseil constitutionnel… ?

S. B. C’est assez drôle. Le patronat nous a confié avoir vraiment très envie de négocier sur l’emploi des seniors, après nous avoir répété pendant six mois ne pas vouloir de dispositifs contraignants. En fait, il est dans un jeu bien rodé avec le gouvernement. Le pouvoir fait toutes les réformes violentes : chômage, retraites, Code du travail… Et dès qu’il y a potentiellement des avancées à décrocher, le gouvernement renvoie le sujet aux acteurs sociaux, le patronat peut ainsi avoir un droit de veto sur des mesures qu’on pourrait arracher.

Nous voulons une négociation tripartite sur l’emploi des seniors parce que c’est la responsabilité du gouvernement de réparer les dommages générés par sa réforme. Il nous l’a imposée de façon unilatérale. Donc à lui d’imposer des mesures sur l’emploi des seniors aux patrons.

Vous allez devoir négocier avec le patronat la prochaine convention d’assurance chômage avant le 31 décembre. Après tous les derniers durcissements sur les droits des chômeurs, y a-t-il encore du grain à moudre ?

S. B. Sauf que lundi le patronat nous a expliqué qu’il ne voulait pas négocier sur l’assurance chômage. C’était totalement ubuesque. Nous étions face à un patronat qui voulait vraiment négocier sur les seniors et sur l’usure professionnelle pour surtout ne pas laisser la main au gouvernement et qui, en revanche sur son domaine de responsabilité, à savoir le chômage et les salaires, nous répond : circulez, il n’y a rien à voir. Il nous a expliqué que ça ne servait à rien d’ouvrir cette négociation puisque de toute manière on ne serait pas d’accord.

Le Medef veut que le gouvernement continue à tenir le stylo. Ce qu’il fait très bien à ses yeux puisque l’exécutif prend des mesures que le patronat n’aurait jamais obtenues par la négociation. Aucune organisation syndicale n’aurait signé des coupes aussi drastiques et aussi violentes dans les droits des privés d’emploi. Le patronat a consenti, du bout des lèvres, vouloir négocier sur la gouvernance. Ce que nous refusons. Le sujet qui nous intéresse, ce sont les règles d’indemnisation des chômeurs. Après seulement, on travaillera sur la gouvernance.

Mais alors, que va-t-il se passer ? Le gouvernement vous enverra une lettre de cadrage. Et s’il n’est pas satisfait ou que la négociation n’aboutit pas, il reprendra à nouveau la main ?

S. B. C’est une interrogation. L’assurance chômage est vraiment un des points sur lequel le jeu de rôle hypocrite entre patronat et gouvernement s’incarne le plus parfaitement.

On sait bien que le gouvernement lorgne sur les réserves de l’Unedic. Dans ce cas-là, exprimons-nous tous ensemble pour refuser une lettre de cadrage serré et exiger d’avoir toutes les marges de manœuvre pour conduire une négociation qui soit respectée. Mais bizarrement, plus de son, plus d’image, du côté patronal. Et surtout pas de volonté pour dire à l’exécutif : laissez-nous la main.

Et sur le contenu, que souhaitez-vous obtenir ?

S. B. Nous voulons rouvrir une négociation sur la base des accords précédemment signés entre acteurs sociaux et pas sur celle des dispositions unilatérales prises par le gouvernement. L’objectif est de reprendre l’histoire là où on l’avait arrêtée.

Cela fait partie des choses que le patronat nous a concédées en fin de réunion. Il serait prêt, éventuellement, à aménager à la marge les dispositions gouvernementales.

Le congrès de la CGT a décidé de quitter le collectif « Plus jamais ça » auquel participe notamment Greenpeace. La CGT va-t-elle aborder la transition écologique seule ?

S. B. Il n’y a pas eu de veto à la CGT sur le fait de travailler avec Greenpeace. C’est encore une fois une question de méthode. La première plateforme « Plus jamais ça » qui est sortie pendant le confinement n’a pas été présentée au bureau confédéral, encore moins aux fédérations et aux unions départementales. Tout le monde l’a découverte dans la presse et ça a beaucoup choqué et braqué. C’est dommage, parce que s’il y avait eu plus de débats collectifs, on aurait pu changer quelques points dans la plateforme qui étaient en contradiction avec les orientations de la CGT. Cela aurait permis que le processus soit accepté.

Quels sont les points de cette plateforme sur lesquels vous souhaitiez un débat ?

S. B. Il y avait par exemple la proposition de supprimer tout soutien public à des industries polluantes ou sales. Il faut déjà définir ce qu’est une industrie polluante. Il y avait la question du nucléaire, faut-il arrêter la recherche sur l’atome ? Ce sont des débats à avoir en interne.

Il existe des niches fiscales qui soutiennent les industries polluantes, en particulier à l’industrie pétrolière. Si le gouvernement décidait de les supprimer, quelle serait la position de la CGT ?

S. B. La CGT est plutôt opposée aux exonérations fiscales et sociales. Je pense qu’on n’aurait pas de mal à être d’accord.

Quelle est pour vous la bonne approche environnementale pour une organisation comme la CGT ?

S. B. C’est typiquement la victoire que nous sommes en train d’obtenir sur le site de Gardanne, fermé en 2012. Sur le principe, les centrales à charbon émettent des gaz à effet de serre. Sauf qu’une fermeture s’anticipe et s’organise. A défaut, on se retrouve comme cet hiver à devoir rouvrir en catastrophe des centrales dans de très mauvaises conditions. Cette absence d’anticipation nous a poussés à devoir importer de l’électricité d’Allemagne, un pays qui a l’électricité la plus carbonée d’Europe.

Or à Gardanne, le site devrait pouvoir reprendre à plein, très prochainement, peut-être dans l’année 2024, notamment parce que la CGT a travaillé pendant cinq ans sur un projet hyper ambitieux, industriel, avec un nouveau procédé de méthanisation.

Pour nous, l’environnement n’est pas juste une question de valeurs générales mais demande d’articuler concrètement le social et l’environnemental pour dépasser les contradictions. Evidemment, il y en a et il faut les assumer. C’est ce que nous allons faire le 26 juin prochain lors d’un comité confédéral national.

Il nous faut une planification environnementale et sociale pour évaluer les besoins sociaux et environnementaux. Cela passe aussi par la sécurisation sociale des salariés. A Gardanne, il s’agissait de 500 emplois directs ou indirects supprimés. Dans le secteur des moteurs thermiques ou du diesel qui seront interdits à la vente en 2035, 50 000 emplois pourraient disparaître dans le secteur de l’automobile.

Faire coïncider le social et l’environnemental est une priorité qu’il faut travailler avec d’autres organisations syndicales, d’autres associations, des ONG. Nous ne leur fermons pas la porte.

Combien avez-vous engrangé d’adhésions ?

S. B. Le chiffre se situe autour de 35 000 nouveaux adhérents. C’est une belle dynamique. Nous avons engrangé en cinq mois le nombre d’adhésions qu’on réalise en un an.

Vous avez soutenu les salariées de Vertbaudet et porté leur lutte au niveau national. Est-ce une stratégie offensive que vous allez perpétuer ?

S. B. Oui, ça fait partie des points sur lesquels on veut vraiment progresser, sur notre stratégie de lutte pour faire en sorte que le secrétaire général aille sur des conflits nouveaux. Philippe Martinez était hyper présent sur le terrain et d’ailleurs, je le serai moins du fait de mes contraintes familiales.

Mais nous voulons continuer à travailler sur la plus-value apportée par la Confédération. Ce n’est pas juste venir et soutenir, mais mettre toute la force de la Confédération, notamment en matière de communication, pour faire aboutir les revendications.

Le fait de pouvoir nationaliser un conflit pour en faire un enjeu féministe a aidé. Le deuxième point qu’on a apporté est d’avoir pu dépayser la négociation. La direction voulait l’ouvrir localement. Sauf que si la négociation s’était limitée au DRH, rien n’aurait abouti. Et la Confédération, avec des fédérations mobilisées, a pesé de tout son poids pour interpeller la direction générale du groupe. Nous avons aidé à faire atterrir le PDG et à lui faire comprendre qu’il fallait qu’il négocie sur la base demandée par les grévistes.

Le dernier Congrès a révélé des fractures au sein de la CGT. Est-ce que ça va mieux ?

S. B. J’avais conditionné ma candidature au fait d’être une candidate de rassemblement. Le seuil minimum était d’avoir une majorité des deux tiers. Nous avons fait un peu mieux avec 70 %. Mais tout le travail que nous faisons est d’aller au-delà de cette majorité. Le bureau confédéral va être élargi. Sur les quatre nouveaux membres, il y en aura trois issus des territoires. C’était un manque, le bureau comptait davantage de dirigeants issus de fédérations. Le dernier membre est lui issu d’une fédération mais il va renforcer les aspects revendicatifs sur les questions du privé.

La dynamique entamée lors du congrès est en train de faire tache d’huile. Nous retrouvons progressivement une organisation qui se parle et qui se rassemble.

 
PROPOS RECUEILLIS PAR SANDRINE FOULON ET HERVÉ NATHAN

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