Vidéosurveillance – Poste de travail – Sécurité de l’entreprise – Moyen de preuve licite.
Si un employeur ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle de l’activité professionnelle qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés, il peut leur opposer les preuves recueillies par les systèmes de surveillance des locaux autorisés par les autorités compétentes pour des impératifs de sécurité des personnes et des biens, dont l’existence a été portée à la connaissance de l’ensemble des personnes fréquentant le site, à savoir les salariés eux-mêmes.
« Attendu [… ], que l’employeur ne prétend pas que le salarié ait été informé de la présence sur le site de caméras, que l’enregistrement vidéo dont il est fait mention ne peut donc lui être valablement opposé […] ». Le moyen de preuve n’est pas opposable au salarié. Or, sans constater que le système de vidéo-surveillance avait été utilisé pour contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale (Cass. soc. 11 déc. 2019, no 17-24179).
Commentaire : Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut être amené à contrôler l’activité des salariés par le biais de la vidéosurveillance. Ce contrôle doit s’exercer dans les conditions respectant les droits fondamentaux de la personne, dont celui de la vie privée du salarié sur son lieu de travail. Pour éviter les risques de malveillance, l’employeur qui collecte ou conserve les données personnelles des salariés doit déclarer le dispositif à la CNIL, au comité social et économique (CSE) et aux salariés individuellement.
Informer le salarié avant de le filmer à son poste de travail.
L’employeur ne peut, pour justifier un licenciement, se servir d’images de vidéosurveillance s’il n’a pas informé les salariés de l’entreprise de l’existence de ce système de surveillance. Cette preuve en image est considérée comme illicite. Selon la CNIL, les personnes concernées (salariés et visiteurs) doivent être informées, au moyen d’un panneau affiché de façon visible dans les locaux sous vidéosurveillance :
- de l’existence du dispositif ;
- du nom de son responsable ;
- de la base légale du dispositif (sécuriser les locaux) ;
- de la durée de conservation des images ; u de la possibilité d’adresser une réclamation à la CNIL ;
- de la procédure à suivre pour demander l’accès aux enregistrements visuels les concernant.
La CNIL a eu l’occasion de sanctionner le 13 juin 2019 un employeur qui filmait les salariés en permanence dans leur bureau et visionnait les postes de travail en continu. En effet, chaque salarié aurait dû être informé individuellement au moyen d’un avenant au contrat de travail ou d’une note de service.
La CEDH, le 5 septembre 2017 (no 614996/08), avait d’ailleurs rappelé les obligations des employeurs : prévenir le salarié de la possibilité d’être surveillé, l’intrusion dans leur vie privée et ses conséquences. Ces mesures semblaient s’appliquer quoiqu’il arrive, peu importe l’étendue de la surveillance et sa durée. De leur côté, les employeurs estiment qu’il y aurait une différence à surveiller le salarié dans l’exercice de son travail, qui suppose une information préalable, et le surveiller dans le but d’assurer la sécurité des locaux de l’entreprise, qui exonèrerait le chef d’entreprise de son obligation d’information vis-à-vis du salarié et du CSE.
Cette distinction n’est le fruit d’aucun texte légal ; le seul en vigueur prévoit qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.
La sécurité de l’entreprise justifie les caméras clandestines.
Cette surveillance couvre les lieux de l’entreprise où le salarié n’exerce pas son activité : l’entrepôt, le parking ou les sous-sols de l’entreprise. Dans l’arrêt commenté, un salarié a été filmé clandestinement en train de fracturer un placard dans le sous-sol de l’entreprise. L’employeur s’était servi des enregistrements vidéo pour le licencier. Ce dernier, a fait valoir en justice que les données recueillies étaient illicites faute d’avoir été préalablement informé de l’existence de ces caméras. Mais, la Cour de cassation dans sa décision du 11 décembre 2019, en décide autrement. Les caméras étant mises en place pour assurer la sécurité du sous-sol, l’information du salarié n’était pas nécessaire. L’employeur peut donc s’en servir. Le plus inquiétant, est la position de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) du 17 octobre 2019 (no 1874/13), qui est allée plus loin en jugeant qu’en Espagne, l’employeur pouvait dissimuler des caméras, non déclarées et dirigées vers les postes de travail, s’il soupçonnait que des salariés commettaient « des irrégularités graves de vols » altérant le bon fonctionnement de l’entreprise.
Mais si la CEDH les autorise, toutes les dérives le sont également ! Cette décision pourrait, sous prétexte du bon fonctionnement de l’entreprise, donner des idées aux employeurs des autres États.
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