430 prestataires viticoles sous surveillance alors qu’un réseau de traite d’êtres humains est condamné

L’administration indique cibler particulièrement les entreprises de prestation viticole ce millésime, alors que la justice vient de sanctionner un réseau de traite d’êtres humains pour de l’emploi saisonnier.

Note de l’Intersyndicat :

Après l’affaire RAJVITI, condamnée pour traite d’êtres humains et son montage en cascade de recours à différentes sociétés de prestations de services en soustraitantes pendant les vendanges 2018 en Champagne, les problèmes d’hébergement contraignant certains vendangeurs à dormir sur des bancs sous les halles du marché du quartier de la ZUP à Epernay à la vendange 2019 et ceux qui perdurent chaque année, notamment lors de la vendange 2022, ce fléau que l’on peut qualifier de nouvelle forme d’esclavage moderne, semble également sévir dans toutes les grandes régions viticoles françaises et, dorénavant, sur toutes les périodes de l’annnée neccésitant le recours de mains d’oeuvre pour effectuer les travaux viticoles.

Décidément, il n’y a pas que les bulles du champagne qui contiennent une part de misère sociale, il y en a aussi désormais dans tous les grands vins qui font notre renommée mondiale.

Espérons qu’au cours de la saison des travaux viticoles qui débute ou lors de la prochaine vendange aucun scandale de ce type ne viendront entacher, une fois de plus, la prestigieuse image du champagne…

Mais ça ce n’est pas gagné !…

8 ans de prison et 10 000 euros d’amende au total pour les 4 prévenus condamnés ce 2 mai par le tribunal correctionnel de Libourne pour « traite d’êtres humains et soumission de personnes à des conditions de travail indignes » début 2022 dévoile le Sud-Ouest, faisant état un système de prestation de services viticoles reposant sur un rabattage de personnes marocaines payant un droit de passage, de 12 000 €/candidat, pour travailler dans les vignes et vivre dans des logements indignes. Marquante, cette affaire n’est pas isolée selon le Comité Opérationnel Départemental de lutte Anti-Fraudes (CODAF).

Contactée par Vitisphere, l’instance départementale chargée de lutter contre le travail illégal met sous surveillance les 430 prestataires de service agricole de Gironde recensés en 2022. « Il existe une forte demande de main d’œuvre dans le secteur viticole et, en parallèle, une pénurie de personnel et des problèmes d’attractivité des métiers de ce secteur. En conséquence, la filière recourt massivement à de la main d’œuvre étrangère (qu’elle soit d’origine européenne ou hors union européenne) » détaille l’administration, pointant que « les problématiques rencontrées par les services de contrôle sont les suivantes : absence de déclaration préalable à l’embauche et/ou sous-déclaration d’heures de travail (travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié), emploi d’étrangers sans titre, conditions d’hébergement indignes, traite des êtres humains ».

Actions de contrôles

Ayant mené des actions en 2022 (avec des sanctions administratives, pouvant aller jusqu’à la fermeture d’un prestataire « qui logeait des salariés dans des conditions indignes »), le CODAF indique que « depuis le début de l’année 2023, ce sont 8 actions de contrôle coordonnées qui ont été menées par la MSA, la Gendarmerie Nationale et la DDETS de la Gironde » et que « les parquets de Bordeaux et de Libourne sont pleinement mobilisés sur ces problématiques ».

Sachant que « les principales infractions encourues par les employeurs directs et les donneurs d’ordre (les châteaux) sont les suivantes : pour travail dissimulé par dissimulation de salariés (3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, voire 5 ans et 75 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise à l’égard de plusieurs personnes), pour emploi d’étranger sans autorisation de travail (5 ans et 15 000 euros), infraction qui peut être requalifiée en véritable traite d’êtres humains par exploitation de travailleurs saisonniers (qui peut être criminelle si elle est commise en bande organisée). En l’espèce, les donneurs d’ordre sont susceptibles d’être visés par une procédure en raison du délit de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé (3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende). »

À noter qu’en 2022 le CODAF a mené 34 opérations de contrôle coordonnées : d’abord en hôtellerie (un tiers), en suite en agriculture et viticulture (un quart) et puis dans les chantiers du BTP (un quart).