Après un premier semestre euphorique qui augure d’un engouement durable pour le champagne, le rendement tirable de la vendange 2022 a été fixé à 12 000 kilos par hectare, au terme des négociations entre le Syndicat Général des Vignerons et l’Union des Maisons de Champagne, lors du bureau exécutif du Comité Champagne du 20 juillet. L’interprofession a également annoncé la mise en œuvre d’un nouvel outil de régulation, la sortie différée de réserve, qui permet de compenser d’éventuelles récoltes déficitaires.
Note de l’Intersydicat CGT du champagne :
Enfin de bonnes mesures annoncées pour les rendements à la prochaine vendange.
Seule ombre au tableau : le plafond de la réserve qui reste bloqué à 8 000 kg.
Augmenter le plafond de la réserve à 10 000 kg permettrait d’avoir une meilleure maîtrise de la production à l’échelle de la Champagne sur le long terme.
En complément de ce rendement, le plus élevé des dix dernières années, tous les kilos récoltés au-dessus des 12 000 kg/ha seront mis en réserve dans la limite du rendement butoir (actuellement 15 500 kg/ha) et du plafond de la réserve individuelle de chaque récoltant (8 000 kg/ha).
Lors d’une conférence de presse organisée le 20 juillet à Épernay, Maxime Toubart, président du SGV et coprésident du Comité Champagne, s’est félicité de cette décision conjointe – « la meilleure que l’on puisse prendre, à date » – et rappelle qu’après deux années extrêmes, « les outils de régulation ont pleinement joué leur rôle » : dans ce contexte, le dispositif de sortie différée va constituer « un étage supplémentaire de la fusée interprofessionnelle », notamment pour les 940 récoltants champenois qui n’ont pas pu atteindre le rendement 2021 malgré la réserve. En 2022, « les vignes sont saines et les services techniques de l’interprofession ont réalisé un état des lieux précis de la situation : le rendement agronomique moyen est de 14 500 kg/ha.
Nous sommes en général assez prudents, mais c’est une année plus confortable que 2021. S’il n’y a pas de dégâts d’échaudage, de sécheresse ou d’épisodes de grêle, ce sera une belle vendange, en quantité comme en qualité. »
Dans un message « d’optimisme raisonnable », David Chatillon, également coprésident du Comité Champagne, souligne que les expéditions du premier semestre sont en forte hausse, ce qui laisse augurer d’un bilan d’environ 325 millions de bouteilles expédiées au cours de l’année civile 2022. « On va forcément ralentir par rapport à la tendance de fin juin 2021, avec des mois extrêmement dynamiques. » Le représentant des négociants évoque « un bon niveau de rendement pour préparer l’avenir, qui permet d’alimenter les marchés, de reconstituer la réserve interprofessionnelle, et d’assurer la qualité de la récolte. (…) Il est aujourd’hui de notre responsabilité que le Champagne demeure disponible, désirable et exemplaire demain. »
La reprise spectaculaire enregistrée après le plus haut de la crise sanitaire s’est confirmée tout au long du premier semestre 2022 avec des expéditions en hausse de 13,6 % par rapport à 2021 et de 18,7 % par rapport à 2019, avant la pandémie. Sur une année glissante, les ventes atteignaient fin juin 335,9 millions de bouteilles (le record étant de 338,7 millions en 2007).
La dynamique profite à l’ensemble des opérateurs et particulièrement aux vignerons en progression pour ce semestre de 14,8 %, aussi bien en France (+13,5 %) qu’à l’étranger (+18,8 %). Les coopératives quant à elles, explosent les scores à l’export avec une hausse de 44 % !
Dans ce contexte, le rendement commercialisable bondit de 20 % par rapport à 2021 pour retrouver des niveaux comparables aux fourchettes hautes des vingt dernières années.
La situation dans les vignes renforce encore l’enthousiasme champenois en affichant à date un excellent état sanitaire. Les pertes dues aux gelées de printemps et aux premiers orages de grêle sont évaluées à moins de 9% du potentiel de récolte. Les vendanges qui s’annoncent précoces devraient commencer dans la dernière décade du mois d’août.
LA SORTIE DIFFÉRÉE DE RÉSERVE
Après deux années particulièrement éprouvantes, avec en 2020 une belle récolte dans un marché à l’agonie en raison de la crise sanitaire, puis une situation totalement inverse en 2021, l’interprofession champenoise a réagi en adaptant le système de la réserve individuelle pour mobiliser au maximum la production de qualité afin d’assurer l’approvisionnement de la filière et sécuriser le revenu de toutes les exploitations. C’est le dispositif de sortie différée de réserve.
Le principe
En cas de récolte inférieure au rendement d’appellation fixé pour l’année N, après déblocage en février N+1, un récoltant obtient des droits de sortie différée de réserve à hauteur du manque constaté par rapport aux décisions vendanges de l’année suivante. Autrement dit, il pourra récolter des raisins au-delà du rendement commercialisable, dans la limite des quantités manquantes l’année précédente. Le seuil de déclenchement de ce crédit de réserve est de 100 kg à l’échelle de l’exploitation et devient effectif le 1er février suivant la récolte, dans la mesure où l’exploitant a reconstitué un stock de réserve.
Les droits sont valables pendant les trois vendanges qui suivent et sont applicables dès cette année pour lisser les difficultés de la vendange 2021.
En pratique, un exploitant en déficit de récolte pour l’année 2021 en cumulant sa vendange et le déblocage de février 2022, pourrait être apuré jusqu’à la récolte 2024 avec le déblocage de février 2025.
La mesure est obligatoire et automatique pour les récoltants dont le déficit de raisins a été constaté. Il n’y a pas de transfert possible du crédit en cas de mutation ou cessation d’activité.
Le SGV estime qu’environ 940 déclarants de récolte sont concernés au titre de la vendange 2021. Le Comité Champagne leur adressera un courrier au mois août, avant de généraliser dans son extranet le dispositif à tous les espaces professionnels des déclarants.