Les vendangeurs ont dormi sur les lieux plusieurs nuits.
Un hébergement collectif insalubre a été fermé par arrêté préfectoral mardi à Vinay, près d’Épernay. Les vendangeurs étrangers étaient logés dans des conditions inhumaines.
Trois inspecteurs du travail, deux de la Marne plus une autre de la direction régionale de l’économie, de l’emploi et des solidarités (Dreets) et du contrôle du travail illégal (Uracti), se sont présentés sans crier gare le mardi 12 septembre au lieu-dit Les-Prés-de l’Orge-Fleur, entre Vinay et Brugny-Vaudancourt, à quelques kilomètres au sud d’Épernay. Là, se situent d’immenses serres de pépiniériste, propriété du groupement foncier agricole « L’Orge Fleur ». Ce n’est pourtant pas la période la plus intense pour l’horticulture.
« Literie de fortune » , « absence de nettoyage et de désinfection » , « état répugnant des toilettes » et « lieux communs » …
Sauf que, si les inspecteurs sont sur place et appuyés par les gendarmes, c’est pour enquêter sur la présence de travailleurs saisonniers agricoles, en l’occurrence des vendangeurs par dizaines, en majorité venus de Roumanie. Ils sont 73 selon le calcul des fonctionnaires et sont logés ici par ledit groupement foncier, ce prestataire marnais qui officie depuis plusieurs années.
Ces saisonniers dormaient dans de grandes tentes disposées à l’intérieur de la serre. Les poubelles, bien remplies et encore visibles ce vendredi 15 septembre, prouvent qu’ils ont résidé ici pendant plusieurs jours. Ils ont un toit, ce qui n’est pas le cas de tout le monde pendant les vendanges, mais, pour le reste, rien ne va. Déjà, l’hébergement collectif n’a pas été déclaré mais ce n’est pas le plus marquant.
Note de l’Intersyndicat CGT du champagne :
Tant que l’on ne condamnera pas, pour non-respect de leur devoir de vigilance, les donneurs d’ordre, c’est-à-dire les exploitants viticoles qui emploient les prestataires de services, et tant qu’ils ne seront pas tenus solidairement responsables des infractions aux textes de loi en vigueur commises par leurs prestataires, la situation ne s’améliorera pas. Et chaque future vendange amènera son lot de scandales…
En effet, les donneurs d’ordre sont tenus à certaines obligations et responsabilités, notamment un devoir de vigilance dans plusieurs domaines. Ils ont notamment une responsabilité au regard des conditions d’hébergement des salariés (détachés ou non) de leurs cocontractants et sous-traitants directs et indirects.
Lorsque ces salariés sont hébergés dans des conditions d’hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine (carences graves en matière de confort, de propreté, de salubrité, de protection ou d’intimité), le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage doit, à la demande écrite d’un agent de contrôle, enjoindre aussitôt par écrit leur employeur de faire cesser, sans délai, cette situation. Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage informe l’agent de contrôle des suites données par l’employeur dans les 24 heures suivant son injonction.
A défaut de régularisation effective par l’employeur de la situation signalée, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage est tenu de prendre à sa charge l’hébergement collectif des salariés, dans des conditions respectant les normes relatives à la santé et la sécurité au travail et donc de reloger les salariés dans un nouvel hébergement collectif dans des conditions descentes.
Sont soumis à cette obligation de diligence tous les donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage privés et publics (sauf particuliers qui contractent pour leur usage personnel).
L’hébergement des salariés détachés dans des conditions indignes peut en outre conduire la DREETS à suspendre la prestation de services internationale pour une durée d’au maximum un mois.
Références juridiques pour aller plus loin : – Obligation de vigilance du donneur d’ordre et maître d’ouvrage à l’égard des conditions de logement : articles L. 4231-1 et R. 4231-3 du code du travail – Définition des conditions d’hébergement minimales à respecter :
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Devant la multiplicité et la gravité des infractions au regard du code rural, du code pénal et même du droit constitutionnel, ces conclusions ont conduit l’État à fermer, le 13 septembre, le campement qui « représente un risque pour la sécurité de ses occupants » , stipule l’arrêté préfectoral qui soulève une atteinte à la dignité. Interrogé, le maire de Vinay, Éric Filaine, préfère ne pas s’exprimer. « J’ai pris connaissance de la procédure mais je ne la commente pas. »
Le propriétaire des lieux, également employeur, a été sommé de reloger, à ses frais, les vendangeurs avec obligation de trouver une solution compatible avec la poursuite de leur contrat de travail. Une partie des vendangeurs roumains aurait été placée à Châlons-en-Champagne et d’autres solutions ont été trouvées pour les autres. L’employeur a obéi à la demande du préfet.
Il s’expose toutefois à des poursuites qui pourront aller du simple rappel à la loi à de fortes pénalités.